• En Equateur, un référendum approuve l’arrêt de l’exploitation d’un gisement pétrolier dans la réserve amazonienne de Yasuni

    Cette terre indigène, qui s’étend sur près d’un million d’hectares de forêt humide et primaire, constitue une réserve unique de biodiversité. Les défenseurs de l’Amazonie saluent une « victoire historique ».

    Ils ont dit stop. Lors d’un référendum organisé dimanche 20 août 2023, parallèlement à des élections générales anticipées et selon les résultats publiés lundi 21 août, les Equatoriens ont voté à 59 % pour l’arrêt de l’exploitation pétrolière dans le Bloc 43, un gisement emblématique de la réserve amazonienne de Yasuni, dans l’est du pays.

    Réclamée par un groupe environnemental depuis dix ans, cette consultation nationale sur l’avenir du bloc Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT), d’où sont extraits 12 % des 466 000 barils produits par jour en Equateur, avait été finalement autorisée en mai par la plus haute juridiction du pays.

     

    La compagnie pétrolière nationale Petroecuador, jusqu’à présent autorisée à intervenir sur quelque 300 hectares du Yasuni mais qui dit n’avoir exploité que 80 hectares, a déclaré lundi dans un communiqué qu’elle se conformerait à la « décision souveraine » des Equatoriens. Le gouvernement, qui s’opposait à cette consultation, estimait les pertes financières à 16,47 milliards de dollars (15 milliards d’euros environ) sur vingt ans si le bloc était révoqué.

    Leonardo DiCaprio et Greta Thunberg saluent le résultat

    Bien que d’autres champs pétroliers soient encore en activité dans le parc Yasuni, le Bloc 43 est devenu un symbole de la démocratie climatique et a attiré l’attention de célébrités mondiales et d’activistes qui ont suivi le référendum de près.

    La star hollywoodienne Leonardo DiCaprio, qui a fait campagne en faveur de l’arrêt de l’exploitation pétrolière, a salué le référendum comme « un exemple de démocratisation de la politique climatique ». L’activiste suédoise Greta Thunberg, également engagée dans le référendum, a écrit sur Instagram : « Voilà ce qu’est l’action climatique. »

     

    Réserve naturelle unique par la richesse de sa biodiversité, le Yasuni s’étend sur près d’un million d’hectares de forêt humide et primaire. Il est aussi une terre indigène : territoire historique des Waorani, il abrite aussi des Kichwa, ainsi que les Tagaeri, les Taromenane et les Dugakaeri, dernières communautés vivant en isolement volontaire en Equateur et fuyant la civilisation moderne.

    « Aujourd’hui, l’Equateur a fait un pas de géant pour protéger la vie, la biodiversité et les peuples indigènes ! », ont célébré sur le réseau X (anciennement Twitter) les deux principales organisations indigènes du pays, la Confeniae et la Conaie.

    Le groupe environnemental Yasunidos, à l’origine du référendum, s’est félicité d’« une victoire historique pour l’Equateur et pour la planète » : « C’est la première fois qu’un pays décide de défendre la vie et de laisser le pétrole dans le sol. »

    « L’Equateur devient le premier pays au monde à arrêter des forages pétroliers grâce à la démocratie climatique directe », ont également célébré un collectif d’ONG, dont Amazon Frontlines, Yasunidos et Alianza Ceibo. « Le résultat du référendum protège de façon permanente l’un des endroits les plus riches de la planète, marquant ainsi une victoire majeure pour les droits des peuples autochtones, la conservation de la forêt tropicale et la lutte contre le changement climatique », clame un communiqué conjoint.

    Exploitation minière rejetée aussi autour de Quito

    L’exploitation du pétrole est l’un des piliers de l’économie équatorienne – dollarisée – depuis les années 1970. Le pétrole brut, premier produit d’exportation du pays, a généré des revenus de 10 milliards de dollars (9,2 milliards d’euros) en 2022, soit environ 10 % du PIB.

    Ce sont près de 500 000 barils qui sont produits par jour dans toute la partie amazonienne du pays (Nord-Est). Ce brut est transporté par oléoduc vers la côte Pacifique, et sur des millions d’hectares se succèdent puits, pipelines, tankers, camions-citernes, stations de traitement et torchères enflammées…

     

    Cette industrie s’est révélée une bénédiction pour les caisses de l’Etat et le « développement » du pays, selon les autorités. Mais une malédiction synonyme de dette, de pauvreté et de pollution à grande échelle, accusent les activistes pro-environnement.

    Le président conservateur sortant Guillermo Lasso (au pouvoir depuis 2021) entendait doubler la production nationale. Il quittera le pouvoir en octobre, à l’issue du second tour de la présidentielle anticipée qui verra s’affronter le 15 octobre une candidate socialiste et le fils d’un milliardaire magnat de la banane.

    Dimanche, dans une autre consultation, locale celle-là, les habitants du district métropolitain de Quito ont voté à 68 % pour l’arrêt de l’exploitation minière dans six petites villes de la périphérie de la capitale, dans le territoire du Choco Andino, 287 000 hectares de forêts, déclaré réserve de biosphère par l’Unesco. La zone est souvent décrite comme « le poumon de Quito » et abrite notamment l’ours des Andes.

     


    votre commentaire
  • Un revers pour les membres de la communauté masaï en Tanzanie

    La Cour de justice d’Afrique de l’Est, basée à Arusha, a débouté vendredi 30 septembre 2022 le recours de la communauté masaï déposé il y a 5 ans. Les Masaï accusaient le gouvernement tanzanien d’avoir expulsé illégalement et violemment en 2017 plusieurs milliers d’entre eux de leurs terres ancestrales. Ce jugement était d’autant plus attendu que ce conflit qui dure depuis des décennies a donné lieu en juin à des affrontements violents entre la police et les communautés de Loliondo, aux abords du célèbre parc national de Serengeti.

    Les Masaï accusent le gouvernement de vouloir les déplacer pour pouvoir organiser des safaris et des parties de chasse dans cette région, l'une des plus touristiques d'Afrique de l'Est. Les autorités tanzaniennes rejettent de leur côté ces accusations, arguant que la population croissante des Masaï y empiète sur la faune et la flore et qu'elles doivent « protéger » près de 1 500 km2 de l'activité humaine. Donald Deya, l’un des avocats de la communauté Masaï dans cette procédure, juge la décision rendue vendredi « ridicule » et « décevante ». ll promet de faire appel.

    Des dizaines de milliers d'expulsions

    « Ils disent que nous n’avons pas apporté suffisamment de preuves que les personnes expulsées en 2017 et blessées l’ont été sur leurs terres, dans leurs villages, et non pas à l’intérieur du parc. Ils reconnaissent que ces terres sont indépendantes, mais ils ont choisi de croire le gouvernement selon lequel les personnes qui ont été blessées se trouvaient donc illégalement à l'intérieur du parc national. Mais c’est totalement ridicule puisque ce parc est extrêmement surveillé. C’est un travail médiocre de la part des juges. Ce verdict est injuste, décevant. Il ne respecte même pas les standards de la Cour. La décision intérimaire de 2018 faisait 37 pages, les juges avaient analysé les preuves apportées par chacune des parties. Mais cette fois, la cour s’est contentée de résumer les éléments et preuves des deux parties. Et de dire : "Voilà nous croyons le camp adverse", sans expliquer clairement pourquoi, comme devrait le faire une cour de justice. »

    En juin 2022, neuf experts indépendants des Nations unies ont dénoncé le projet des autorités tanzaniennes visant à transformer 1 500 km2, sur les 4 000 qui composent la zone contrôlée de Loliondo, en aire réservée aux safaris, à la chasse aux trophées et à la conservation. Selon eux, cette « sanctuarisation » entraînerait l’expulsion des 70 000 habitants de quatre villages.


    votre commentaire
  • Brésil : mort de l'homme des trous

    On ne connait ni son nom, ni sa langue, ni son ethnie, ni sa religion. On estime seulement qu'il avait une soixantaine d'années, chassait avec un arc et des flèches et portait des sortes de pagnes.

    Son environnement nous en apprend plus sur lui. Fiona Watson, chercheuse à Survival International, a pu se rendre dans son lieu de vie en 2005 dans le cadre d'une expédition de suivi. Il s'agissait d'aller repérer des signes de vie et s'assurer qu'il n'avait pas été attaqué : "Dans la forêt, on pouvait sentir sa présence partout. J'ai vu certains des trous qu'il avait creusés dans la terre. Des trous de deux mètres de profondeur, qu'on pense qu'il utilisait pour chasser puisqu'il y avait des pointes de flèches acérées au fond, raconte-t-elle, c'était incroyable de pouvoir pénétrer dans son jardin, dans lequel il faisait pousser beaucoup de nourriture, du manioc, des papayers…C'était pour moi un symbole incroyable de vie en autarcie".

     

    Qu'est-ce qu'un peuple non contacté ?

    L'"homme du trou" a toujours refusé le contact avec le reste des hommes. Même la Funai, qui lui fournissait régulièrement des outils et de la nourriture de loin, et a fait le choix de respecter son désir d'isolement, n'est jamais entrée en contact avec lui. Cette vie complètement coupée de toute communication étonne, et contraste avec notre monde contemporain hyperconnecté.

    Selon la Funai, plus de 100 groupes autochtones isolés, sans contact avec le reste du monde, auraient été détectés au Brésil. Une évaluation qui varie cependant selon les rapports.

    Ces peuples vivent en autarcie totale, mais ils sont parfaitement conscients qu'il existe un autre monde autour d'eux. Ils voient les avions voler au dessus de leur tête et les bulldozer raser des pans de forêt. Ils sont aussi en lien avec les peuples voisins. "Ils ne vivent pas dans un bulle" rappelle Fiona Watson, de Survival International, "c_'est très important pour leur survie qu'ils sachent ce qu'il se passe autour et surtout dans leur territoire. Un grand nombre de ces peuples a été forcé de fuir. Donc ils ont dû se réfugier toujours plus loin, le long du fleuve Amazone_."

    Des peuples menacés par la déforestation

    En Amazonie, les peuples autochtones de la forêt sont menacés par l'exploitation illégale et à grande échelle des ressources naturelles dont ils dépendent pour leur survie. Tout le peuple de l'"homme du trou" a été tué, vraisemblablement pour récupérer ses terres. Un phénomène que l'ONG Survival International qualifie de génocide.

    Pour protéger la forêt et les peuple autochtones qui y vivent, le gouvernement brésilien a mis en place des ordonnances de protection des terres, qui doivent être renouvelées au bout de quelques années. Celles-ci permettent d'interdire l'accès à la forêt aux bûcherons, aux mineurs et à toute personne qui souhaiterait affecter l'environnement. Une ordonnance avait été placée sur la terre de l'homme du trou jusqu'en 2025, mais à partir de ce moment-là, elle risque d'être récupérée par des exploitants agricoles.

    "J'espère que sa terre sera préservée, d'une part pour honorer la mémoire de cette personne extraordinaire, explique Fiona Watson, d'autre part parce que c'est une terre inestimable, un morceau encore intact de forêt amazonienne. Tout autour, la forêt a été complètement détruite, il n'y a que des exploitations bovines et des champs de soja".

    "Nous ferons en sorte que ce qu'il reste de forêt dans le territoire indigène de Tanaru soit préservé en mémoire de la triste histoire d'un peuple violemment condamné à la disparition." s'engage l'oranisation OPI sur Twitter

    L'observatoire des droits humains des peuples indigènes isolés et récemment contactés (OPI), une organisation composée de nombreux anciens membres du Funai, demande à ce que le territoire de l'homme soit fermé le temps que des études archéologiques et anthropologiques soient menées. Ils demandent aussi à ce que le territoire soit préservé en tant que lieu mémoriel.

    Que vont changer les élections brésiliennes pour les peuples autochtones d'Amazonie ?

    La question de la préservation de l'Amazonie occupe déjà une place importante dans les débats en vue de l'élection présidentielle brésilienne du 2 octobre prochain. Jair Bolsonaro est sous le feu des critiques des associations environnementales depuis son arrivée au pouvoir pour avoir détricoté des lois de protection de la forêt.

    "Si Jair Bolsonaro emporte l'élection, la situation risque encore d'empirer pour les peuples autochtones de l'Amazonie" s'inquiète Fiona Watson.

    L'autre favori de l'élection, Lula, a fait de la protection de l'Amazonie un de ses arguments de campagne, et a promis de créer un ministère aux affaires indigènes, avec un autochtone à sa tête.

    D'après le recensement de 2010, plus de 800 000 personnes se déclarent autochtones au Brésil, immense pays de 212 millions d'habitants.

     


    votre commentaire
  • En Tanzanie, la relocalisation contestée de familles masaï au nom de la défense de la faune

    Bien que vivant depuis plus d'un siècle dans le cratère de Ngorongoro, les autorités tanzaniennes estiment désormais que la population croissante des communautés masaï est devenue une menace pour la faune sauvage et lancent un programme de relocalisation volontaire.

    De premières familles de Masaï ont quitté, jeudi 16 juin, la réserve naturelle de Ngorongoro, dans le cadre d'un programme de relocalisation volontaire lancé par le gouvernement tanzanien, mais qualifié d'« expulsions » par des militants des droits de l'homme.

    Une vingtaine de familles ont quitté les lieux jeudi, sur les 296 qui ont accepté d'aller vivre dans la région de Handeni, à 600 kilomètres au sud, affirme le préfet de la région d'Arusha, John Mongella.

    « Il n'y a pas d'expulsion ici, toutes les personnes qui partent se sont inscrites volontairement et le gouvernement les aide », insiste-t-il. Ces familles sont les premières d'un groupe de 296 à avoir accepté ce que les autorités appellent une « relocalisation volontaire ».

    « Ngorongoro est en train de se perdre »

    Depuis 1959, la population vivant à Ngorongoro est passée de 8 000 à plus de 100 000, tandis que le cheptel de bétail est, lui, passé d'environ 260 000 têtes en 2017, à plus d'un million aujourd'hui. À tel point que les troupeaux concurrencent la faune sauvage, assurent les autorités. Si bien que la présidente Samia Suluhu Hassan avait déclaré l'an dernier que le « Ngorongoro est en train de se perdre ».

    Le gouvernement assume donc de vouloir protéger le parc national, mais les conditions de ces départs sont critiquées par des défenseurs locaux des droits humains, et par des ONG internationales, qui dénoncent des « expulsions ».

    La revendication a tourné à l'émeute vendredi 10 juin à Loliondo, à 125 km au nord de Ngorongoro. Un policier a été tué et une trentaine de manifestants Masaï ont été blessés par les tirs des forces de sécurité. Peu de temps après l'annonce des affrontements, le Premier ministre Kassim Majaliwa a assuré devant le Parlement qu'« aucune expulsion n'est prévue à Loliondo ».

    « Expulsion forcée »

    Malgré les assurances du gouvernement tanzanien, les experts de l'ONU se disent toutefois, « préoccupés par les projets de la Tanzanie visant à déplacer près de 150 000 Massaï de la réserve naturelle de Ngorongoro et de Loliondo sans leur consentement libre, préalable et éclairé » dans un communiqué publié mercredi.

    Cela (...) pourrait s'apparenter à une dépossession, une expulsion forcée et un déplacement arbitraire interdits par le droit international.

    Amnesty International qualifie l'opération à Loliondo d'« expulsion forcée illégale », « choquante à la fois par son ampleur et sa brutalité ». « Les autorités doivent arrêter l'opération de démarcation et de sécurisation en cours à Loliondo et entamer de véritables consultations avec la communauté », estime l'ONG dans un communiqué.

    En visite à Loliondo mercredi, le ministre des Affaires intérieures, Hamad Masauni, a ordonné à la police de procéder à « une vérification et une enquête sur toutes les ONG opérant » sur place, estimant que « leurs opérations ne doivent en aucune façon perturber la sécurité nationale ». « Le gouvernement prendra des mesures fortes contre toutes les ONG qui violent les règles », ajoute-t-il.


    votre commentaire
  •  
     
    Le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a tranché que les Pekuakamiulnuatsh ont été victimes de discrimination par le manque de financement des services policiers des Premières Nations, et ce, depuis plusieurs années. Une décision « importante » qui réjouit le chef Gilbert Dominique.

    Cette décision, rendue le 31 janvier 2022, fait suite à une plainte déposée en 2016 par le chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, Gilbert Dominique. Celui-ci dénonçait le sous-financement du Programme des services de police des Premières Nations (PSPPN).

    En 2020, le TCDP avait tenu une audience de cinq jours afin de déterminer si, effectivement, il y avait de la discrimination quant au financement des corps policiers autochtones. Il avait alors été clair que la plainte était fondée et que la mise en oeuvre du PSPPN provoquait de la discrimination chez les peuples autochtones.

    « Le programme administré par Sécurité publique Canada ne permettait pas de couvrir les dépenses réelles de notre sécurité publique afin de répondre à un minimum de services. Pourtant, les corps de police ont les mêmes missions, les mêmes responsabilités, en vertu de la Loi de la police du Québec », a expliqué Gilbert Dominique lors d’une conférence de presse virtuelle.

    Le chef a mentionné que ce manque de financement a eu de nombreuses répercussions sur le fonctionnement de la sécurité publique : équipements opérationnels inexistants ou désuets, effectifs insuffisants, écart salarial. Par ailleurs, en 2016, le poste de police de Mashteuiatsh a frôlé la fermeture en raison d’un déficit de 1,6 million $.

    Pour sa part, le directeur général de l’Association des directeurs de police des Premières Nations du Québec, Pierre Simard, a affirmé que la décision rendue à l’égard de Mashteuiatsh décrit une réalité présente dans une majorité des corps policiers du regroupement. « Nos communautés méritent le même niveau de services et les mêmes outils. Une victime ou un crime commis dans une communauté devrait pouvoir bénéficier du même soutien qu’en territoire non autochtone. »

    Une victoire méritée, des mesures à changer 

    Présent également à la conférence de presse, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, a souligné la détermination des Pekuakamiulnuatsh d’avoir déployé tous les efforts nécessaires pour prouver la discrimination dont ils étaient victimes. « C’est avec fierté que l'APNQL souhaite souligner cette victoire importante. Les gouvernements ont lamentablement échoué dans le financement pour soutenir les services de police des Premières Nations. Ils doivent prendre les mesures nécessaires pour réparer cette injustice. »

    Gilbert Dominique se réjouit de cette décision importante, tant pour les Pekuakamiulnuatsh que pour l’ensemble des Premières Nations. Il demande aux gouvernements d’agir et de mettre en oeuvre de réelles actions afin d’empêcher cette discrimination.

    Une deuxième audience aura lieu, à un moment indéterminé, afin d’établir les changements à apporter. « Nous espérons que ces réparations se traduiront par un changement dans la méthode de financement, afin d’assurer la pérennité de la sécurité publique et pour pouvoir offrir des services policiers égaux aux autres instances policières. »

     


    votre commentaire
  • À Collipulli - « les terres colorées » en mapudungun, la langue du peuple autochtone Mapuche - des chiots errants, couverts de cette terre ocre et rouge, jouent au milieu d'un immense terrain où stationnent grues, tracteurs et machines en tout genre. La plupart de ces engins ont été incendiés et sont hors d'usage. Un employé est venu chercher un pick-up 4×4 - l'un des modèles de voiture les plus répandus au Chili -, tandis que Yasna Navarrete et son père Juan constatent les derniers dégâts dans leur entreprise, Sefomec. « Au total, on nous a brûlé 45 engins » , explique Juan Navarrete. « Plus personne ne veut nous assurer » , ajoute sa fille de 34 ans, aux mains noircies par le cambouis. Ces attaques sont « souvent accompagnées de lettres anonymes revendiquant la cause mapuche » , assure-t-elle.

    Dans le sud du Chili, à 600 kilomètres de Santiago, la localité rurale de Collipulli est l'épicentre du conflit entre le peuple Mapuche ( « peuple de la terre » en mapudungun) les sociétés forestières et agricoles ainsi que l'État chilien. L'Araucanie est une région qui s'étend sur un peu plus de 31 000 kilomètres carrés, entre volcans aux cratères enneigés, lacs et forêts de pins, d'eucalyptus et d'araucarias. C'est ici que vit la majorité des Mapuches du Chili - 1,7 million de personnes, soit 9,9 % de la population totale selon le dernier recensement. Ce peuple tente de récupérer son territoire conquis lors de la « pacification de l'Araucanie » dans la seconde moitié du XIXe siècle.

    En sus de ses machines, Juan Navarrete possède 600 hectares de terres agricoles. « Cette année, je n'ai rien pu semer , soupire-t-il. Les Mapuches occupent mes champs. » Yasna se dirige vers sa voiture et en sort un casque en fonte et un gilet pare-balles qui monte jusqu'au cou « pour rester en vie en cas d'attaque » . « Ici, la terreur règne » , lâche-t-elle. Yasna et son père ont reçu une aide du programme pour les victimes de violence rurale en Araucanie, « insuffisante pour acheter de nouvelles machines » .

    Ce soir-là, un gigantesque embouteillage paralyse des centaines de voitures sur la Panaméricaine, appelée route 5 au Chili. Une voiture calcinée barre le chemin menant à la capitale régionale, Temuco. Les véhicules blindés défilent, militaires encagoulés et armés patrouillent. Le gouvernement a décrété l'état d'urgence le 12 octobre dernier dans quatre provinces - le Biobio, Arauco, Cautin et Malleco - où se trouve Collipulli.

    « Far West chilien »

    En Araucanie, les incendies de machines agricoles et de camions sont fréquents. Ils sont parfois revendiqués par le groupe armé mapuche le plus important de la région, la Coordination Arauco Malleco (CAM). Depuis 2018, au moins neuf écoles rurales ont également été brûlées. En 2020, au moins quatre personnes sont mortes dans des violences, et au moins trois cette année : l'agriculteur et candidat aux élections municipales Orwal Casanova, le Mapuche Jordan Liempi, et le policier Luis Morales. Ce dernier est décédé lors d'une perquisition de plus de 800 policiers contre le trafic de drogue à Temucuicui, une communauté mapuche autonome de 3 000 hectares - le « Far West chilien, sans shérif » , comme l'avait qualifié le journaliste Tomas Mosciatti.

    Aux abords de la ville d'Ercilla, des militaires font le guet. Une fois l'asphalte disparu commence le territoire mapuche. La route de gravats, entrecoupée de ponts de planches en bois, est sinueuse. La canopée des araucarias laisse difficilement passer les rayons du soleil. Victor Queipul, lonko (chef) de la communauté, vit dans une modeste maison en bois « sur un terrain récupéré il y a cinq ans » , assure-t-il, vêtu d'un poncho traditionnel en laine noir et blanc.

    123 000 hectares restitués aux autochtones.

    Dans son jardin trônent les drapeaux mapuches, avec ses bandes horizontales bleue, verte et rouge, et le wunelfe - une étoile à huit branches. Depuis l'instauration de l'état d'urgence, « nous ne pouvons plus vivre tranquillement, la police entre dans nos maisons sans autorisation en effrayant les enfants » , affirme Victor Queipul, intarissable sur « l'injuste répression de l'État chilien » qui les « traite de la pire manière possible. Nous souhaitons le départ de tous les exploitants forestiers du wallmapu (territoire ancestral mapuche) car l'eucalyptus assèche les nappes phréatiques » .

    L'État a restitué, entre 2009 et 2018, 123 000 hectares aux populations autochtones, principalement aux Mapuches. « C'est insuffisant , lance Hernando Silva, codirecteur de l'Observatoire citoyen, une association de défense des droits humains. L'État chilien nie le droit à l'autodétermination des Mapuches, qui ont perdu 90 % de leur territoire ancestral » , poursuit le juriste. De fait, le Chili est le seul pays d'Amérique latine, avec l'Uruguay et le Suriname, à ne pas reconnaître explicitement les droits des peuples autochtones dans sa Constitution. Mais une assemblée - présidée par la Mapuche Elisa Loncon - est en train de rédiger la future carta magna du pays. Hernando Silva y voit « une opportunité historique d'instaurer une relation horizontale entre les peuples, un dialogue et une réparation » .


    votre commentaire
  • COP26 : les peuples autochtones plaident pour la préservation de 80% de l’Amazonie

    Le Vénézuélien Gregorio Diaz Mirabal, qui représente 3,5 millions d’autochtones en Amérique du Sud, a insisté le 30 octobre 2021 sur la nécessité de préserver 80% de l’Amazonie, à la veille de l’ouverture à Glasgow (Ecosse) de la COP26, la conférence de l’ONU sur le climat.

    "Nous sommes à la COP26 pour que soit ratifiée notre proposition afin que 80% de l’Amazonie reste vivante", a déclaré M. Diaz Mirabal, lors d’une conférence de presse à Glasgow. Le Vénézuélien est à la tête de la Coordination des organisations autochtones du bassin de l’Amazonie (Coica), qui représente les peuples originaires des neuf pays et territoire (Brésil, Bolivie, Pérou, Equateur, Colombie, Venezuela, Guyana, Surinam et Guyane française) couverts par la plus grande forêt tropicale de la planète.

    Selon Gregorio Diaz Mirabal, "il est nécessaire de maintenir l’équilibre de l’Amazonie garanti par les 511 peuples (autochtones) des neuf pays du bassin amazonien". "Nous sommes l’Amazonie pour la vie, nous sommes le cri de l’air, de l’eau, des créateurs de la forêt, nous sommes là pour obtenir des réponses et des actes de la part des Etats", a ajouté le dirigeant, membre du peuple Wakuenai Kurripaco.

    "Nous devons mettre en œuvre une économie qui valorise toutes les formes de vie, qui soutient les peuples autochtones et garde la forêt debout", a-t-il poursuivi.

    La forêt amazonienne représente 8,4 millions de km2 et abrite 20% de l’eau douce de la planète. Dans un entretien à l’AFP, le dirigeant avait rappelé que 17% de la forêt avait déjà été anéantie par l’exploitation du pétrole et des minerais, la pollution et la déforestation pour l’agriculture et l’élevage.

     


    votre commentaire
  •  

    Les populations autochtones sont l’objet de nombreuses menaces sur le terrain, même si leur action sur la préservation des zones protégées est saluée. Des représentants étaient à Marseille pour le sommet de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

    Ils sont considérés comme les gardiens de la nature. Vendredi, avant le discours du président Macron au congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), s’est tenu virtuellement à Marseille le Sommet mondial des peuples autochtones et de la nature, derniers membres intégrés de l’UICN. «En leur donnant cette occasion cruciale d’être entendus sur la scène internationale, nous avons rendu notre union plus forte, plus inclusive et plus démocratique», avait déclaré Inger Andersen, ex-directrice générale de l’UICN et actuelle directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), lors du précédent sommet UICN de 2016 à Hawaï. Une intégration qui leur confère le droit de créer des motions et de les voter.

     

    C'est lors de ce rendez-vous 2021, animé par de nombreux intervenants du monde entier (figures des peuples autochtones, scientifiques, dirigeants dont Bérangère Abba, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée de la Biodiversité...) qu'un agenda mondial pour les peuples autochtones, s'articulant autour de <a href="https://portals.iucn.org/union/sites/union/files/doc/global_indigenous_agenda_english.pdf" target="_blank">dix propositions et cinq thématiques</a>, a vu le jour. <i>«Nos objectifs mondiaux de protection de la terre et de conservation de la biodiversité ne peuvent réussir sans le leadership, le soutien et le partenariat des peuples autochtones»</i>, a martelé le Dr Bruno Oberle, directeur général de l'UICN. Sommet au cours duquel a également été lancé un appel à la reconnaissance et au respect des droits et de la gouvernance des peuples autochtones sur leurs terres et leurs ressources. Un lien indéfectible. <i>«Les peuples autochtones sont en rapport avec un territoire, car ils y tirent leur subsistance</i>, <i>leurs croyances, </i>explique Irène Bellier, anthropologue et directrice de recherches au CNRS.<i> Il leur est vital.»</i>

    «Ils déforestent nos terres et creusent pour chercher le pétrole et l'or»

    Au cours des millénaires, les peuples autochtones que l'Organisation des Nations unies <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/08/1049461" target="_blank">estime à 370 millions d'individus dans le monde</a> et dont les droits sont déterminés par la seule <a href="https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf">Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples</a> de 2007, ont développé des connaissances et des capacités d'adaptation en matière d'environnement. Cependant, les menaces planent. Les peuples autochtones sont les premières victimes du changement climatique, auquel pourtant ils n'ont pas ou que peu contribué. <i>«Les poissons ont disparu des rivières</i>, lance la Colombienne Fany Kiuru de l'ethnie Huitoto, qui est aussi membre de la Coordination des organisations autochtones du bassin amazonien (Coica). <i>Nous n'avons plus accès à la nourriture du temps de nos grands-mères. Beaucoup de peuples d'Amazonie souffrent de malnutrition.» </i>Par ailleurs, les territoires que ces populations occupent, souvent très riches en minerais, hydrocarbures, bois..., aiguisent l'appétit des industries et des gouvernements qui n'hésitent pas à les chasser afin de mener à bien leurs projets. <i>«Ils déforestent nos terres et creusent pour chercher le pétrole et l'or</i>, rebondit l'Equatorien Juan Carlos, de l'ethnie Shuar, un des peuples amérindiens. <i>L'armée et la police les défendent malgré les lois.» </i>Lois dictées aussi en Colombie par les narcotrafiquants qui saccagent la forêt, explique Fany Kiuru.

    Ces menaces se sont accentuées depuis 2013-2014, estime Irène Bellier. Elles ont aussi été renforcées par la crise du Covid-19. <i>«Les compagnies en ont profité pour continuer à commettre des dommages à l'environnement pendant que les gens étaient confinés</i>, poursuit Juan, aussi membre de Coica.<i> Il y a du mercure dans notre eau...»</i>

    L'orpaillage est également l'une des principales sources d'inquiétude des peuples autochtones de Guyane française. <i>«Il existe énormément de projets de mines industrielles</i>, explique Claudette Labonté du peuple parykweneh, qui est aussi présidente de la fédération Palikur de Guyane. <i>Un projet de méga mine d'or au coeur de la forêt amazonienne a été abandonné </i>[contraire, aux yeux du gouvernement, aux exigences environnementales, ndlr],<i> mais il revient sous une autre forme, Orea Mining.»</i>

    Tout cela sans jamais consulter les peuples autochtones, dénoncent d'une unique voix tous nos interlocuteurs. Que ce soit pour des projets destructeurs comme conservateurs de la nature. A l'image des aires protégées terrestres et marines dont l'objectif mondial est fixé à 30 % à l'horizon 2030. Un modèle d'ailleurs critiqué par David Boyd, de l'ONU, rappellent les organisateurs<a href="https://www.notreterrenotrenature.fr/" target="_blank"> du contre-congrès</a>, qui s'est tenu avant le «congrès officiel» de l'UICN, ayant pour but de <i>«décoloniser la conservation de la nature»</i>. Dans sa voix, <a href="https://survivalinternational.fr/actu/12634" target="_blank">un communiqué précise</a> que <i>«l'expansion rapide des Aires protégées ne doit pas se faire au prix de nouvelles violations des droits humains à l'encontre des peuples autochtones et d'autres populations rurales.»</i> «<i>En Guyane, on a besoin de zone de subsistance de chasse, de pêche et de culture notamment pour le manioc,</i> rappelle Claudette Labonté. <i>Pourquoi nous empêcher d'aller dans ces réserves alors que ça allait parfaitement bien avant que l'Etat se mette à vouloir gérer le territoire ? D'autant que ça permet de garder un oeil sur la forêt et de travailler en partenariat avec l'office français.»</i>

    «On défend l'eau, la terre, les forêts... et on nous met en prison pour ça?!»

    Menaces, conflits, non-consultation... De multiples facteurs qui, d'après Irène Bellier, amènent les peuples autochtones au militantisme. <i>«Des défenseurs des droits humains sont assassinés, 70 % d'entre eux étaient liés aux causes environnementales </i>[comme la figure hondurienne Berta Cáceres, le Péruvien Roberto Carlos Pacheco ou encore le Mexicain Homero Gómez, ndlr]<i>»</i>, souligne-t-elle. L'ONG Global Winess doit d'ailleurs publier le¦13 septembre son rapport annuel qui recense les homicides perpétrés contre des militants de l'environnement.<b> </b>En 2019, 212 militants ont été tués, soit en moyenne quatre par semaine. L'Amérique latine reste la région la plus dangereuse. <i>«On défend l'eau, la terre, les forêts... et on nous met en prison pour ça !</i> lance Juan, dont certains collègues de Coica ont été enfermés. <i>Comment appeler un terroriste un homme ou une femme autochtone alors que nous sommes là pour la nature pendant que des compagnies la détruisent...»</i>

    Seul moyen d'action, le levier juridique. <i>«Il y a une dynamique autochtone latino-américaine. Entre autres, les organisations des peuples autochtones d'Amérique latine peuvent saisir la commission interaméricaine des droits de l'homme et aller jusqu'à la cour interaméricaine des droits de l'homme pour faire respecter leurs droits,</i> explique l'anthropologue Irène Bellier. <i>En France, les comités des droits de l'homme ont été saisis par les Amérindiens de Guyane.»</i>

     


    votre commentaire
  • Des milliers d’indigènes se mobilisent contre Jair Bolsonaro

    Pour quelques jours, Brasilia a été investie par des milliers d’indigènes, qui protestent contre le président. Ils lui reprochent de légitimer la violence contre eux.

    Des milliers d’indigènes du Brésil, coiffes à plumes et tenues traditionnelles, se sont retrouvés, lundi 23 août 2021, en plein cœur de Brasilia, pour une semaine de mobilisation contre la politique du président Jair Bolsonaro, qu’ils accusent de menacer leurs terres ancestrales.

    Des indigènes avaient commencé à installer dès dimanche, à l’appel de la Coordination des peuples indigènes du Brésil (APIB), un campement de tentes de «Lutte pour la vie», où doivent se dérouler, jusqu’à la fin de la semaine, des «manifestations contre la politique anti-indigène» de Bolsonaro.

    Dans le calme

    Lundi matin, les membres de nombreuses ethnies aux tenues chatoyantes, beaucoup le corps peint, se sont retrouvés dans le calme près des sièges modernistes du pouvoir de la capitale – présidence, congrès et Cour suprême –, chantant et dansant. La présence policière était faible. En juin dernier, déjà dans la capitale, des manifestations d’indigènes pour leurs terres avaient entraîné des heurts entre une centaine d’autochtones et la police. Trois manifestants avaient été blessés, de même que trois policiers, ces derniers par des flèches.

    Les indigènes – qui étaient 4000, lundi en fin de matinée, de 117 ethnies différentes, selon l’APIB – comptent faire pression jusqu’à dimanche contre divers projets de loi qui, selon eux, menacent gravement leurs droits et leurs terres ancestrales, et particulièrement un jugement crucial de la Cour suprême.

    La «thèse temporelle», cœur du problème

    Au cœur des inquiétudes, le projet de loi 490 (PL-490), soutenu par le gouvernement du président d’extrême droite et ses alliés, qui doit aller devant le Congrès. La question la plus polémique en est la «thèse temporelle», qui ne reconnaît comme ancestrales que les terres qui étaient occupées par les indigènes quand a été promulguée la Constitution, en 1988.

    Or de nombreuses tribus ont été déplacées lors des soubresauts de l’histoire brésilienne, notamment sous le régime militaire (1964-1985). De retour sur leurs terres, elles réclament la protection du statut accordé aux réserves, auquel est opposé le puissant lobby brésilien de l’agronégoce.

    Jugement crucial mercredi

    Mercredi sera une journée cruciale. Les indigènes ont prévu de marcher jusqu’à la Cour suprême, au moment où celle-ci commencera à siéger pour décider si la «thèse temporelle» s’applique à une réserve de l’État de Santa Catarina (sud). Ce jugement affectera des dizaines de territoires objets de litige depuis des années.

    C’est un thème «important, parce que divers secteurs au Brésil cherchent à empêcher la démarcation des terres indigènes, y compris dans des lieux où ils se trouvaient déjà», explique Juliana de Paula Batista, avocate de l’Institut socio-environnemental, qui défend les droits des peuples autochtones.

    «Si la Cour suprême accepte la thèse temporelle, cela pourrait légitimer la violence contre les peuples indigènes et exacerber les conflits dans la forêt amazonienne et d’autres régions», a averti Francisco Cali Tzay, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits des peuples indigènes.

    Bolsonaro veut ouvrir les terres indigènes

    Jair Bolsonaro soutient par ailleurs un projet de loi qui ouvrirait les terres indigènes, déjà touchées gravement par la déforestation et la prospection minière illégale, à l’exploitation des ressources naturelles. Ces terres sont situées majoritairement dans neuf États amazoniens du Brésil et essentielles pour la préservation de l’environnement.

    Deux autres propositions de loi sont décriées comme étant des «PL des invasions» par les indigènes et défenseurs de l’environnement. L’une prône la régularisation des occupations illégales de terres par des orpailleurs, bûcherons ou éleveurs.

    L’invasion favorise la propagation du coronavirus

    Les 900’000 indigènes du Brésil représentent 0,5% des 212 millions d’habitants, et leurs terres s’étendent sur 13% du territoire de l’immense pays. Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, ils n’ont eu de cesse de dénoncer des invasions de leurs terres – qui ont par ailleurs favorisé la propagation du Covid-19 parmi des populations au système immunitaire fragile –, ainsi que des violences et des atteintes à leurs droits.

    En janvier dernier, le cacique Raoni Metuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, qui a notamment reçu l’appui du chanteur Sting, avait déjà demandé à la Cour pénale internationale d’enquêter pour «crimes contre l’humanité» contre Bolsonaro, accusé de «persécuter» les peuples autochtones en détruisant leur habitat et en bafouant leurs droits fondamentaux.


    votre commentaire
  • L'Alaska est l'État américain qui a la plus forte population autochtone, devant l'Oklahoma et le Nouveau-Mexique. Selon le National Congress of American Indians, 27,9 % des habitants de cet État disent appartenir à l'un des nombreux peuples premiers d'Alaska (Inuits, Athabascans, Yupiks, etc.). En Alaska, quelque 229 tribus sont reconnues par les autorités fédérales.

    Les linguistes estiment qu'une vingtaine de langues autochtones y sont parlées, à des degrés divers. Elles appartiennent à quatre grandes familles linguistiques, donc deux particulièrement importantes : les langues eskimo-aléoutes, d'un côté, et les langues athabascan-eyak-tlingit de l'autre. Les premières sont également présentes au Canada, au Groenland et en Russie. Deux autres langues d'Alaska - le haïda et le tsimshian - sont considérées comme des « isolats linguistiques », tout à fait distincts de ces grands ensembles.


    votre commentaire
  • La Cour suprême de Brasilia se prononcera le 1er septembre sur la thèse du « seuil temporel », principe révisionniste qui vise à réécrire l'histoire foncière et coloniale du pays. Plus de 170 tribus autochtones sont mobilisées pour défendre leurs droits.

    Brasilia est en effervescence. Depuis une semaine, les peuples autochtones font entendre leur voix. Le 25 août, ils étaient environ 6 000 manifestants, originaires de plus de 170 tribus, rassemblés devant la Cour suprême. Leur bataille va connaître un tournant déterminant le 1er septembre, date à laquelle est attendu un jugement crucial pour la reconnaissance de leurs droits à la terre. Les magistrats doivent dire si oui ou non ils valident la thèse du « seuil temporel ». Un principe révisionniste qui vise à réécrire l'histoire foncière et coloniale du pays.

    Selon cette thèse, les terres ancestrales des peuples autochtones sont celles qu'ils occupaient au moment de la promulgation de la Constitution, en octobre 1988. Or à cette date, beaucoup n'y vivaient plus : tout au long de l'histoire brésilienne, les peuples natifs ont été victimes de déplacements forcés par les différents régimes politiques. La dictature militaire qui a sévi de 1964 à 1985 ne les a singulièrement pas épargnés. Ils ont perdu du même coup tout droit de propriété. L'ensemble représente aujourd'hui un obstacle conséquent pour pouvoir prouver leur présence sur leurs terres originaires avant 1988. Selon un rapport de 2020, sur les 1 298 terres autochtones du Brésil, 829, soit 63 %, sont toujours en attente que l'État finalise son processus de démarcation, autrement dit d'être reconnues en bonne et due forme territoire autochtone.

    « La thèse du seuil temporel vise à amnistier les crimes commis contre les populations autochtones », explique Eloy Terena, avocat de l'Association des peuples indigènes du Brésil (Apib). Si elle était validée, « les tribus n'auraient le droit qu'aux terres qu'elles occupaient le 5 octobre 1988 », à l'exclusion même de beaucoup de celles qu'elles ont réinvesties depuis.

    Une décision qui aboutirait à exacerber les conflits

    Francisco Cali Tzay, rapporteur spécial de l'ONU pour les droits des peuples indigènes, redoute en outre que cela n'offre encore plus de champ aux exactions commises à l'encontre des natifs. « Si la Cour suprême accepte cette thèse, alerte-t-il, cela risque de légitimer la violence contre les peuples indigènes et exacerber les conflits dans la forêt amazonienne. » Déjà, la recrudescence des agressions est notable. Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019, Jair Bolsonaro multiplie les attaques à leur égard, n'hésitant pas à violer la Constitution de 1988, qui, dans son article 231, garantit aux peuples autochtones leurs cultures, leurs traditions et leur organisation sociale, ainsi que leurs droits originaux sur les terres qu'ils occupent traditionnellement. Car « les lois, telles qu'elles sont écrites, indiquent clairement que les territoires autochtones doivent être protégés, rappelle Sarah Shenker, de l'association Survival. Le problème principal réside dans leur application. »

    Luc Duffles Affon, membre de l'association Autres Brésils, avance la même idée. Aucun gouvernement brésilien n'a parfaitement géré la question des territoires autochtones, rappelle-t-il en substance, mais depuis l'adoption de la Constitution, certaines avancées avaient été enregistrées. Entre autres la reconnaissance de la dette historique du pouvoir politique envers les peuples natifs.

    « Génocide et dictature militaire » mis en oeuvre par Bolsonaro

    Aujourd'hui, « le gouvernement de Bolsonaro est en train de procéder à un génocide et d'installer une dictature militaire », dénonce-t-il. À ce génocide, s'ajouterait un écocide, alertent encore de nombreux acteurs, alors que les terres indigènes sont sévèrement touchées par la déforestation et l'exploitation minière. Cette dernière a augmenté de 30 % en 2020, selon une association yanomami. « Le gouvernement raciste de Jair Bolsonaro veut continuer sur cette lancée », affirme Sarah Shenker.

    Dans une lettre adressée au président du Tribunal supérieur fédéral, le peuple xokleng, de la terre autochtone Ibirama-Laklano, dénonce ainsi les attaques perpétrées par les orpailleurs sur ses territoires. Il réclame l'expulsion de ces envahisseurs, et rappelle que sa terre est un élément indispensable au maintien de son existence physique et culturelle.


    votre commentaire
  • En 1908, le gouvernement américain a fait main basse sur 7 300 hectares de terres qui appartenaient aux tribus confédérées Salish et Kootenai, dans le but de créer le National Bison Range au coeur de leur réserve, dans l'ouest du Montana.

    Si l'objectif de protéger les derniers bisons d'Amérique était louable, ce parc fédéral n'en est pas moins depuis un siècle, aux yeux des tribus, le symbole des injustices commises par le gouvernement à leur encontre. Elles ont mené un combat de longue haleine pour que leur soit restituée cette zone de pâturage. En décembre 2020, leur patience a été enfin récompensée : Donald Trump a promulgué une loi ouvrant la procédure de rétrocession des terres en question aux Salish et aux Kootenai.

    Désormais, ce sont donc les tribus qui s'occupent des bisons et qui participent, dans le cadre d'un régime de cogestion, à la surveillance de ceux qui s'écartent du parc national de Yellowstone pour aller paître dans les zones administrées par le Service américain des forêts. Le mode de gestion des Amérindiens est marqué par une proximité presque familière avec cet animal qui leur permettait naguère de se nourrir, de se vêtir et de s'abriter - soit à peu près tout ce dont leur peuple avait besoin.

    "Nous stressons moins les bisons et nous les traitons avec plus de respect", fait remarquer Tom Mcdonald, responsable de la gestion des ressources halieutiques et fauniques des tribus et lui-même amérindien. Les tribus sont conscientes de l'importance des liens familiaux au sein des troupeaux et laissent donc les bisons ensemble :

    C'est un virage à 180 degrés par rapport à la mentalité de rodéo que l'on voyait par ici, où ils se précipitaient sur les animaux en semant la panique. C'était vraiment la méthode brutale."

    Synergie avec l'écologie

    On voit actuellement monter un mouvement visant à restituer certaines terres à haute valeur culturelle et environnementale à leurs anciens propriétaires, les peuples autochtones et les anciens habitants de ces régions, ou, a minima, à tenir compte de leur point de vue et les faire participer à la gestion des terres, de la faune et de la flore.

    À travers tous les États-Unis, des terres sont ainsi rétrocédées aux tribus ou proposées à la cogestion. En Californie, une fiducie foncière vient de restituer 485 hectares de prairies et de forêts de séquoias à la tribu des Esselen. Dans le Maine, les cinq tribus de la confédération Wabanaki viennent de reprendre possession d'une île de 60 hectares avec l'aide de fiducies foncières. D'autres rétrocessions ont eu lieu récemment dans l'Oregon, dans l'État de New York et ailleurs.

    De plus en plus, les écologistes voient dans ces modes de gestion ancestraux - fruits de plusieurs siècles de cultures en immersion dans la nature - une forme de synergie avec le mouvement mondial visant à protéger la biodiversité et à gérer le milieu naturel de manière à nous prémunir contre le dérèglement climatique.

    La Nature Conservancy, une des plus grandes associations de protection de l'environnement, vient d'institutionnaliser la rétrocession de terres à haute valeur environnementale dans le cadre de son programme "Peuples autochtones et populations locales", à la fois aux États-Unis et dans le reste du monde.

    L'exemple australien

    "Si vous regardez les choses sous l'angle de la justice foncière, nous devons les aider à retisser cette relation [avec les terres de leurs ancêtres]", observe Erin Myers Madeira, directrice du programme de Nature Conservancy.

    Les Amérindiens ont été de facto les premiers gestionnaires de toutes les terres et de toutes les rivières d'Amérique du Nord, et ils sont les dépositaires de savoirs et de pratiques qui remontent à des millénaires."

    Une des plus importantes procédures de rétrocession achevées à ce jour a commencé voilà huit ans en Australie, où les gouvernements fédéral et locaux ont acquis 19 domaines agricoles et les droits d'eau afférents pour la somme de 180 millions de dollars [152 millions d'euros], dans la vallée de Lower Murrumbidgee, en Nouvelle-Galles du Sud. L'objectif était de restaurer les grandes zones humides - foisonnant d'oiseaux, de poissons et autres - qui avaient souffert du drainage agricole intensif. Les parties concernées ont été invitées à soumettre leurs propositions pour la gestion de ce qu'on appelait alors "les marais de Nimmie-Caira". C'est une entité composée de la Nature Conservancy et du conseil tribal des Nari Nari, le peuple autochtone qui habitait la région depuis 50 000 ans, qui a obtenu le droit d'administrer la zone en question.

    Les anciens systèmes d'irrigation ont été supprimés ou modifiés pour rétablir le régime hydrologique traditionnel, plus naturel. La renaturation des premiers cours d'eau date de 2018, et des espèces telles que la perche dorée et la rainette Dryopsophus raniformis, ainsi que la spatule, l'aigrette ou le cygne noir y ont refait leur apparition en nombre. Les Nari Nari ont retrouvé et protégé les sépultures de leurs ancêtres et d'autres sites culturels et chassé de la zone plusieurs espèces invasives, notamment les cochons sauvages, les cervidés, les chats et les renards.

    Un lien intime avec la nature

    En 2019, la Nature Conservancy a rétrocédé les plus de 80 000 hectares de la zone de Nimmie-Caira aux seuls Nari Nari, qui la gèrent désormais. Ces derniers l'ont rebaptisée "Gayini", un terme qui signifie "eau" dans leur langue. "C'est un événement de taille pour les Nari Nari, qui utilisent leur savoir traditionnel pour préserver ces paysages depuis des milliers d'années, confie Ian Woods, chef de la tribu des Nari Nari. Cela nous permet de continuer à protéger l'environnement, à préserver l'héritage aborigène et à favoriser la transmission du savoir entre les générations."

    Il est difficile de s'y retrouver dans les différentes conceptions de la nature et de la faune sauvage des peuples autochtones et dans les différentes interactions qu'ils peuvent avoir avec elles, mais il est évident que leurs vies sont intimement liées au monde naturel. Dans un rapport qui vient d'être publié, deux chercheurs du Service américain des forêts, David Flores et Gregory Russell, avancent une hypothèse pour expliquer les différences de conception de la nature entre Européens et Amérindiens. Les peuples autochtones ont une approche holistique et "voient dans les animaux et les éléments du paysage des caractéristiques qu'un esprit occidental associera traditionnellement à un être humain, par exemple le fait d'avoir des opinions, d'intervenir, d'engager un dialogue".

    Compte tenu de cette relation et de ces affinités avec les autres espèces, mais aussi avec la terre elle-même, les gestionnaires de ressources doivent consulter les anciens des tribus afin de préserver ce lien culturel avec la nature. Ce qui comprend la pratique traditionnelle des brûlis raisonnés servant à gérer à la fois les bisons et les paysages. "Les bisons raffolent des jeunes pousses après les écobuages, explique Tom Mcdonald. Ils sentent l'odeur de cette délicieuse herbe tendre qui sort du sol noirci par les flammes."

    Des brûlis pour limiter les grands incendies

    Au chapitre des savoirs traditionnels, la pratique de l'écobuage est sans doute celle qui fait couler le plus d'encre en ce moment, en raison des incendies dantesques qui ont ravagé l'ouest américain. En plus de leur rôle "sanitaire" permettant de garder la main sur les habitats de la faune sauvage et les forêts, d'accroître la résilience du milieu ou de faire pousser certaines essences utiles, par exemple pour la fabrication de paniers ou l'alimentation, les écobuages traditionnels planifiés contribuent efficacement à réduire l'intensité des incendies. Une étude récente révèle ainsi que les pratiques des autochtones dans les forêts entourant le Jemez Pueblo, au Nouveau-Mexique - essentiellement des petits brûlis tout au long de l'année et la collecte du bois dans les zones habitées - permettent de ralentir efficacement les incendies de très forte intensité.

    La tendance actuelle consistant à associer plus étroitement les autochtones à la gestion des terres ne se limite pas à l'attribution de titres de propriété. Sous Barack Obama, le gouvernement avait prévu que le site de Bears Ears, dans l'Utah, qui regorge de lieux sacrés pour les Amérindiens, serait cogéré par le ministère de l'Intérieur [qui gère l'essentiel des terres appartenant à l'État fédéral] et une coalition composée de cinq tribus. [Une politique remise en cause par son successeur, Donald Trump, qui a réduit de 85 % la zone protégée créée par Obama à la demande des tribus indiennes].

    Aujourd'hui, avec l'arrivée de l'Amérindienne Deb Haaland à la tête du ministère de l'Intérieur, les programmes de cogestion devraient se multiplier, même s'il ne s'agit pas de rétrocessions à proprement parler. Joe Biden s'est engagé à écouter les tribus amérindiennes et à travailler avec elles, à l'heure où il propose de protéger davantage de terres appartenant à l'État et, surtout, de tenir sa promesse de mettre sous protection 30 % des États-Unis à l'horizon 2030, dans le cadre de son programme baptisé "30 x 30".

    Le dernier refuge pour la chasse de subsistance

    D'autres pays ont engagé des projets semblables. Au Canada, par exemple, le gouvernement fédéral s'est associé à l'association inuit Qikiqtani pour cogérer la réserve marine nationale de Tallurutiup Imanga et la zone marine protégée de Tuvaijuittuq, au Nunavut, qui couvre l'essentiel du nord canadien. En dialecte autochtone, tuvaijuittuq veut dire "la dernière zone prise par les glaces", c'est l'endroit où les dernières glaces de l'Arctique sont les plus épaisses et devraient résister le plus longtemps au réchauffement climatique. Ce pourrait donc être le dernier refuge des ours polaires, des phoques, des narvals, des morses et autres bélugas, ainsi que des algues qui vivent sous les glaces et qui constituent la base de la chaîne alimentaire dans l'Arctique. Ce pourrait être aussi le dernier refuge des chasseurs qui pratiquent la chasse de subsistance dans un climat qui se réchauffe.

    Des partenariats locaux commencent également à émerger. A l'initiative de plusieurs dizaines de fiducies foncières et de cinq tribus de la confédération Wabanaki, le programme First Light a pour objet de rétablir l'accès à des territoires de chasse, de cueillette et de rituels dans le Maine. Ce projet comprend une île de 60 hectares que les colons européens avaient accaparée et que la tribu Passamaquoddy nomme "Pine Island". Et, en mai dernier, l'institut Open Space de New York a rétrocédé 63 hectares situés le long de l'Hudson aux Stockbridge-Munsee, de la Nation mohican, qui en feront une réserve naturelle.

    En Californie, la tribu des Esselen, qui vivait à Big Sur depuis des milliers d'années, a été dépossédée de sa culture et de ses terres par les Espagnols, qui ont implanté des missions dans la région. La Western Rivers Conservancy, avec le soutien financier de l'Agence californienne pour les ressources naturelles, a pu racheter un ranch de 485 hectares composés de forêts de séquoias et d'une rivière cristalline, la Little Sur, zone de frai de la truite arc-en-ciel, en vue de protéger l'endroit et d'en faire don au Service américain des forêts. Des habitants s'y sont opposés et, l'année dernière, les terres, estimées à 4,5 millions de dollars [3,8 millions d'euros], ont été rétrocédées aux Esselen - deux cent cinquante ans après leur confiscation. La tribu en protégera les ressources naturelles, dont la truite arc-en-ciel, la chouette tachetée de Californie, le condor de Californie (une espèce menacée), et y pratiquera ses cérémonies traditionnelles et la cueillette sauvage.Cette vogue de rétrocessions de terres aux Amérindiens ou, à défaut, de cogestion s'inscrit dans le mouvement actuel pour l'égalité raciale. Dans la communauté amérindienne, le phénomène est baptisé #Landback ["restitution", voir encadré ci-dessous].

    Restent certaines inquiétudes sur les risques possibles d'une gestion par les tribus. Autoriseront-elles la chasse dans les endroits où la tradition l'interdit ? Des changements dans les administrations tribales ne risquent-ils pas de réduire le niveau de protection des terres à haute valeur environnementale ?

    Quelques tribus en contre-modèle

    La gestion des ressources naturelles par les Salish et les Kootenai leur a valu des éloges. Les deux tribus ont créé la première réserve sauvage tribale du pays, la Mission Mountain Wilderness Area, dont elles interdisent chaque année 4 000 hectares à la fréquentation humaine afin de permettre aux grizzlys - un animal totem - de se repaître en été des coccinelles et de papillons de nuit de l'espèce Euxoa auxiliaris, qui abondent en altitude.

    Mais on trouve aussi plusieurs exemples de tribus qui exploitent les ressources naturelles. Après un combat de plusieurs décennies pour faire annuler des concessions pétrolières et gazières dans les secteurs de Badger-Two Medicine et de Rocky Mountain Front, dans le Montana, un projet de loi a été déposé au Congrès pour autoriser les Blackfeet à cogérer le secteur de Badger-Two Medicine, qui fait partie de la forêt classée Lewis and Clark et dont le "patrimoine culturel" a été reconnu. Fin connaisseur de la zone, George Wuerthner constate que la réserve des Blackfeet, près de Badger-Two Medicine, est loin d'être un modèle, évoquant, outre les nombreuses concessions accordées pour des forages pétroliers ou la fracturation hydraulique, le surpâturage pratiqué dans les ripisylves et le braconnage, notamment du grizzly.

    De leur côté, les partisans de la rétrocession de terres sauvages aux peuples autochtones pointent un nombre croissant d'études qui démontrent l'efficacité de leur gestion. Par exemple, une étude publiée l'année dernière par l'Université de Colombie-Britannique a conclu que les terres administrées par les peuples autochtones en Australie, au Brésil et au Canada abritent davantage d'espèces de vertébrés que les réserves naturelles existantes. "Dans l'ensemble, les méthodes des peuples autochtones se sont avérées bien plus efficaces que celles des Occidentaux", observe Brian O'Donnell, de la Wyss Foundation.

    Si on épouse le point de vue des peuples autochtones, qu'on en tire des enseignements et qu'on s'en sert comme modèle pour nos politiques environnementales à venir, je pense qu'on s'en trouvera beaucoup mieux."

    Jim RobbinsLire l'article originalRétrocéder les parcs nationaux aux Amérindiens

    Certains membres du mouvement Landback, qui milite pour la restitution des terres aux Amérindiens, défendent des formes de "réparations" radicales. Dans un article très remarqué récemment publié dans le magazine The Atlantic, l'écrivain amérindien David Treuer revient ainsi sur la longue liste des expulsions forcées et des traités rompus qui ont permis la création des parcs nationaux américains. Il propose d'inverser l'histoire et de confier la responsabilité des 35 millions d'hectares des parcs nationaux américains à un consortium de tribus indiennes à titre de réparation pour les terres dont elles ont été dépossédées. En contrepartie, celles-ci devraient s'engager à respecter des clauses contraignantes sur la protection des ressources naturelles.

    SourceYale Environment 360

    New Havene360.yale.edu Ce webzine, publié par l'université Yale, est très prolixe en débats, reportages, opinions et analyses sur toutes les questions environnementales. Parmi les intervenants, des journalistes, des scientifiques, mais aussi des politiques et des [...]


    votre commentaire
  • Comment vivaient les Aborigènes avant l'arrivée de colons britanniques en 1788 ? Etaient-ils des chasseurs-cueilleurs ou des agriculteurs ? La question n'a rien d'anodin dans un pays où la colonisation a été justifiée par le principe de la Terra nullius, un « territoire sans maître » dès lors qu'il n'est pas exploité. En 2014, Bruce Pascoe avait déchaîné les passions en affirmant dans son ouvrage Dark Emu (« l'émeu noir », Magabala Books, non traduit)- du nom du dromaiidé qui peuple le bush australien que les Aborigènes possédaient les signes d'une société agricole.

    L'auteur s'appuie sur les journaux de bord des premiers colons européens pour raconter comment les peuples autochtones semaient, récoltaient, irriguaient et stockaient leurs récoltes. Il décrit des méthodes de pêche sophistiquées ou des habitats regroupés sous forme de villages. Conclusion : ils n'étaient pas de « simples » chasseurs-cueilleurs. Ce livre a vu s'affronter, de façon attendue, les ultraconservateurs, dénonçant une réécriture de l'histoire, et les progressistes, saluant un ouvrage qui éclairait d'un jour nouveau des cultures souvent caricaturées. La polémique vient de rebondir avec le livre Farmers or Hunter-Gatherers ? The Dark Emu Debate (« Agriculteurs ou chasseurs-cueilleurs ? Dark Emu en débat », Melbourne University Press, non traduit), de l'anthropologue Peter Sutton et de l'archéologue Keryn Walshe. Ces chercheurs de renom, spécialistes des peuples premiers australiens, s'écartent des postures politiques pour camper sur le terrain scientifique.

    Un récit tendancieux

    Leur jugement est sévère. Dark Emu est selon eux le résultat d'un « travail de recherche peu approfondi, qui déforme et exagère de nombreux points (...) et ignore de larges pans d'informations qui ne soutiennent pas les opinions de l'auteur . Les chercheurs soulignent le « manque d'une réelle expertise » de l'écrivain. Bruce Pascoe, d'ascendance britannique et aborigène, fut enseignant, agriculteur ou encore chercheur en linguistique. Les deux scientifiques regrettent son choix de retenir pour seules sources des journaux rédigés par des colons peu au fait des traditions autochtones, et l'accusent d'avoir tronqué plusieurs citations afin de servir sa thèse.

    Enfin, ils lui reprochent de desservir la cause des peuples premiers en adoptant une lecture « eurocentrée » de l'histoire, qui hiérarchise les cultures en plaçant les sociétés agricoles au-dessus de celles de chasseurs-cueilleurs. Selon Peter Sutton et Keryn Walshe, les Aborigènes avaient été exposés à des sociétés agricoles, mais n'en avaient pas adopté le mode de vie, car il ne correspondait pas à leurs croyances ni à leurs pratiques. « Ils avaient développé leur propre façon de gérer et d'utiliser leur environnement, qui allait au-delà de simplement chasser ou cueillir mais qui n'impliquait pas de jardinage ou d'agriculture. Ils fonctionnaient d'une manière écologique et travaillant avec leur environnement, plutôt que, comme souvent, contre lui », concluent les deux experts.

    Dark Emu a remporté plusieurs prix littéraires prestigieux, s'est vendu à plus de 250 000 exemplaires et a été adapté pour les enfants en 2019. Reste à savoir désormais si Farmers or Hunter-Gatherers ? aura le même succès...


    votre commentaire
  • La Cour suprême reconnaît les droits d’Autochtones « disparus » du Canada

    Des non-citoyens et non-résidents canadiens peuvent revendiquer un droit ancestral en vertu de la Constitution, juge la Cour suprême du Canada.  

    Monsieur Richard Lee Desautel, un citoyen américain, a, en octobre 2010, abattu sans permis de chasse un wapiti dans la région des lacs Arrow en Colombie-Britannique. Il est membre de la Lakes Tribe des Tribus confédérées de Colville, et il vit dans une réserve dans l’État de Washington.

    Il a été accusé d’avoir chassé sans permis et d’avoir chassé le gros gibier sans être un résident de la Colombie-Britannique. Monsieur Desautel a admis avoir abattu le wapiti, mais il a soutenu qu’il exerçait son droit ancestral de chasser sur le territoire traditionnel de ses ancêtres Sinixt en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (Constitution canadienne). Il a prétendu que la Lakes Tribe est un groupe successeur du peuple Sinixt dont le territoire traditionnel englobait une région située dans ce qui est maintenant la Colombie-Britannique. Le lieu où il a abattu le wapiti se trouve dans ce territoire.

    La question centrale à laquelle devait répondre la Cour suprême était de savoir si des gens qui ne sont pas des citoyens canadiens et qui ne résident pas au Canada peuvent exercer un droit ancestral protégé par la Constitution canadienne.

    « Peuples autochtones du Canada »

    L’affaire portait sur la définition de l’expression « peuples autochtones du Canada » figurant à l’article 35 de la Constitution canadienne, qui reconnaît et confirme les droits existants — ancestraux ou issus de traités — de ces peuples.

    C’était la première fois que la Cour interprétait les mots « peuples autochtones du Canada ».

    Les juges majoritaires de la Cour suprême ont affirmé que l’article 35 a pour objectif fondamental de reconnaître l’occupation antérieure du Canada par des sociétés autochtones organisées et autonomes.  

    Ils ont jugé que l’expression « peuples autochtones du Canada » s’entend des successeurs contemporains des sociétés autochtones qui occupaient le territoire canadien au moment du contact avec les Européens, et ce, même si ces sociétés se trouvent maintenant à l’extérieur du Canada. Exclure les peuples autochtones qui se sont déplacés ou ont été forcés de le faire, ou dont le territoire a été divisé par une frontière, aggraverait les injustices liées au colonialisme.  

    Ils ont conclu que les groupes dont les membres ne sont ni citoyens ni résidents du Canada peuvent être considérés comme faisant partie des « peuples autochtones du Canada » et revendiquer un droit ancestral en vertu de l’article 35.

    Peut-on considérer que le groupe en question fait partie des « peuples autochtones du Canada »?

    Les juges de la majorité se sont ensuite demandé si le groupe particulier auquel appartient M. Desautel pouvait être considéré comme faisant partie des « peuples autochtones du Canada ».

    Ils ont fait remarquer que, en ce qui concerne les revendications autochtones, les juges de première instance sont habituellement les mieux placés pour évaluer la preuve qui est présentée. Les juges majoritaires ont accepté la conclusion de la juge de première instance selon laquelle le groupe de M. Desautel, la Lakes Tribe, est un groupe successeur du peuple Sinixt. Au moment du contact entre les Sinixt et les Européens, leur territoire se trouvait dans ce qui est maintenant la Colombie-Britannique (au nord), et dans ce qui constitue maintenant l’État de Washington (au sud).

    Une frontière internationale a été créée en 1846 et, en 1872, un certain nombre de membres des Sinixt vivaient la plupart du temps dans l’État de Washington, mais continuaient de se rendre en Colombie-Britannique pour y chasser.  

    Les juges majoritaires ont reconnu que le fait que la Lakes Tribe s’était déplacée pour aller vivre dans la partie américaine de son territoire ancestral ne l’empêchait pas d’être un groupe successeur des Sinixt. Par conséquent, ils ont conclu que la Lakes Tribe pouvait être considérée comme faisant partie des « peuples autochtones du Canada » au sens de l’article 35 de la Constitution canadienne. 

    Le groupe possède-t-il des droits ancestraux en vertu de l’article 35 de la Constitution?

    Ayant établi que le groupe en question fait partie des « peuples autochtones du Canada », les juges majoritaires devaient ensuite décider si ce groupe possédait des droits ancestraux en vertu de l’article 35. Ils ont expliqué que l’analyse applicable pour décider si de tels droits existent est la même, que le groupe concerné se trouve au Canada ou à l’extérieur du Canada.

    Un élément crucial de l’analyse consistait à déterminer si le droit contemporain revendiqué dans la présente affaire, le droit de chasser, est la continuation d’une pratique historique qui existait avant le contact avec les Européens.

    Tout comme la juge de première instance, les juges majoritaires ont conclu que le droit revendiqué est la continuation d’une pratique historique.

    Ils ont également conclu que, mises à part les périodes durant lesquelles il n’y a pas eu de chasse, il n’y a pas de grande différence entre la pratique antérieure au contact et la pratique contemporaine.  

     

    En conséquence, les juges majoritaires ont reconnu que M. Desautel avait exercé un droit ancestral et que la juge de première instance avait eu raison de l’acquitter de toutes les accusations portées contre lui.  

    Pour en savoir plus, cliquez ici. 


    votre commentaire
  • En principe, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones fait consensus, mais sa mise en oeuvre dans le contexte canadien pose des casse-têtes juridiques.

    Pour l’ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest Stephen Kakfwi, l’adoption du projet de loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (C-15) doit mener à une réécriture de la Loi sur les Indiens.

    Avec l’Assemblée des Premières Nations, le Conseil circumpolaire inuit et le Ralliement national des Métis, M. Kakfwi fait partie des nombreux signataires d’une lettre ouverte en appui au projet de loi parue dans The Hill Times quelques jours avant le début des audiences du Comité permanent des affaires autochtones, le 11 mars.

    Le projet de Loi qui vise à enchâsser les principes de la Déclaration onusienne dans le droit  canadien pourrait mener à la révision d’autres lois, notamment la fameuse Loi sur les Indiens. Pour Stephen Kakfwi, cette loi ne peut pas être simplement abolie parce que l’existence de plusieurs organisations et gouvernements autochtones se fonde sur elle.

    «Il faut la remplacer et l’écriture de la législation doit être confiée aux chefs et aux peuples, préconise celui qui a dirigé les TNO entre 2000 et 2003. […] Si les ressources sont allouées aux peuples autochtones , ils feront un très bon travail et ça leur donnera directement le contrôle sur le l’élaboration des politiques et la façon dont les budgets y sont alloués.» Une difficile mise en pratique «La Déclaration est pensée comme une source d’inspiration, pas dans une perspective légale domestique, analyse une conseillère à la recherche pour le Indigenous Resource Network, Heather Exner-Pirot. Ça va prendre beaucoup de travail pour concilier ces aspects.»Mme Exner-Pirot considère que le projet de loi C-15 peut potentiellement affecter chaque texte législatif canadien avec, en tête de liste, la Loi sur les Indiens. «C’est évident qu’il y aura des conflits», dit-elle.

    Pour la chercheuse, l’encadrement généré par cette loi, par exemple la nécessité de recevoir une approbation ministérielle pour certains usages du territoire ou des ressources, est incompatible avec l’esprit du projet de loi C-15.

    «La Constitution du Canada, qui favorise les gouvernement fédéral et provinciaux, laisse peu d’espace aux Premières Nations et devrait aussi entrer en contradiction avec la Déclaration, postule Heather Exner-Pirot. Le Parlement essaie de rendre le projet de loi cohérent avec la législation canadienne […], mais comment synchroniser ça, et qu’est-ce qui se passe avant que ce soit le cas ?»«Tous les pays qui ont des populations autochtones craignent cette Déclaration, rappelle l’historien Michael Behiels. […] Chaque état doit prendre ses recommandations et les adapter à son propre contexte.»Pour lui, le véritable test de la Déclaration sera son adéquation avec la Charte canadienne des droits et libertés.

    Version améliorée Parrainé par le ministre de la Justice David Lametti, l’actuel projet de loi C-15 est une version modifiée d’un projet de loi qui avait été présenté aux Communes par l’ancien député néodémocrate d’Abi-tibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, Romeo Saganash. Après avoir été accepté en troisième lecture en mai 2019, il avait été défait par des sénateurs conservateurs.

    Sous sa nouvelle forme, le projet de loi C-15 a été présenté en première lecture à la Chambre des communes, le 3 décembre 2020, avant d’être acheminé pour examen au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, présidé par le député libéral, Bob Bettina.

    Devant ce comité, le 11 mars, Romeo Saganash a affirmé être heureux de voir que C-15 se fonde sur son projet de loi et en améliore certains aspects.

    M. Saganash a souligné la qualité du préambule qui a, selon lui, un caractère juridiquement contraignant. «Le paragraphe 12 [du préambule] demande que le gouvernement canadien reconnaisse que toutes les relations avec les peuples autochtones  doivent être basées sur la reconnaissance et la mise en place des droits à l’autodétermination incluant les droits à se gouverner», donne-t-il en exemple.

    «Le projet de loi C-15 ne va pas résoudre tous les problèmes des peuples autochtones du Canada, concède la professeure de la faculté de droit  de l’Université du Manitoba, Brenda Gunn, mais ça peut être une partie de la solution. Ça contient des bonnes mesures d’imputabilité pour s’assurer que le gouvernement passe de la parole aux actes..» La notion de consultation Devant le Comité, le titulaire de la Chaire sur le développement durable du Nord de l’Université Laval, Thierry Rodon, a appelé à consulter les Autochtones par-delà leurs grandes organisations. Il a aussi soulevé la question de la légitimité de la gouvernance, comme dans le cas du gazoduc Coastal GasLink, où le fédéral s’est appuyé sur le conseil de bande qu’il a mis en place plutôt que sur l’organisation traditionnelle des chefs héréditaires Wet'suwet'en.

    «Il y a cette idée que le fédéral consulte les organisations nationales, l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami, mais ne rencontre pas les détenteurs de droit, les 672 Premières Nations, les groupes métis, etc., souligne Heather Exner-Pirot. Ils ont l’impression que ça se joue à Ottawa.»L’Association of Iroquois and Allied Indians a dénoncé cette absence de consultation et s’est positionnée contre le projet de loi.

    La suite Le projet de loi doit normalement être renvoyé à la Chambre des communes d’ici le 22 avril, pour son étude article par article. Tous les partis politiques à la Chambre l’appuient en principe, mais les Conservateurs estiment qu’il manque de clarté sur la notion de consultation préalable.

    Pour sa part, l’ex-premier ministre Stephen Kakfwi est pessimiste quant à l’adoption du projet de loi d’ici la fin de la présente session parlementaire, comme le demandent les signataires de la lettre ouverte. «Je n’ai pas confiance dans le gouvernement, je n’ai pas foi dans le premier ministre, je n’ai pas foi dans les sénateurs, je n’ai pas foi dans les politiciens», dit-il.

    «Le premier ministre [Trudeau] a dit il y a des années qu’il allait appliquer les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, s’insurge M. Kakfwi. Adopter la Déclaration est la fondation de ces appels. Il n’a pas d’excuses de ne pas l’avoir fait durant les deux premières années de son mandat.

    «Il n’y a pas d’excuses pour mettre les Autochtones dans des conditions féodales, sans eau potable, sans logements adéquats avec une moins bonne qualité de vie. Il y a une raison pour ça:les politiques et les lois du gouvernement du Canada.»

    L’ancien député néodémocrate d’Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, Romeo Saganash, considère que l’actuel projet de loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones  améliore par certains aspects son propre projet de loi. 

    votre commentaire
  • Le concept de « peuples premiers   » est loin d'être clair, pas plus que celui, pour les survivants, de «peuples  autochtones », d'abord parce que l'on continue de débattre quant aux critères qui peuvent déterminer l'existence d'un « peuple   » et parce qu'il est difficile d'établir qui ont été les véritables premiers   occupants d'un territoire. Ainsi fait-on constamment des découvertes quant aux mouvements possibles des différents hominidés « originels » et quant aux vagues successives de peuplement.

    On considérera ici, par convention, et en exhortant les spécialistes à l'indulgence, qu'il s'agit des populations formant une communauté de langue et de pratiques usuelles, présentes dans certaines régions de la planète avant les différentes colonisations européennes et leurs effets (la pandémie de 2020 nous a notamment rappelé combien les maladies importées pouvaient être dévastatrices). Nous pensons notamment ici à l'Arctique, à la Mésoamérique, à l'Océanie et à l'Afrique.

    Or le lecteur assidu des études anthropologiques est frappé par certains traits communs à ces populations, même s'il faut manier avec la plus grande prudence des simplifications par nature abusives (et des explications qui parfois confinent à l'anachronisme). À cela s'ajoute le fait que les sources d'information restent souvent lacunaires, des marques et des traces essentielles ayant été détruites.

    On retrouve fréquemment, notamment autour de ce que l'on appelle l'animisme et le chamanisme (généralisations, elles aussi, discutables et discutées), le lien étroit entre toutes les formes de vie, la présence obsessionnelle de phénomènes thérianthropiques, l'intégration de la mort dans la vie sociale, l'absence de concept d'appropriation individuelle (et de vocabulaire pour l'exprimer) et le respect pour tout végétal ou animal que l'on doit consommer ou utiliser.

    De partout, sont à nouveau lancés des appels à la reconstruction de nos sociétés libérales actuelles, fondées sur la recherche du profit, la croissance et l'exploitation de ressources toutes, plus ou moins, non renouvelables (glaciers, uranium, métaux rares...). S'ensuivent des analyses relevant de l'angélisme et des expériences diverses, très semblables à celles que l'on a bien connues il y a une cinquantaine d'années, de quelques citadins qui croient trouver à la campagne un idéal de vie prétendument autarcique, et que les boues du premier   hiver désillusionnent bien vite. Certes, l'on a pu affirmer que tous nos malheurs étaient nés de l'apparition de l'agriculture et l'on a pu décrire l'Éden des peuplades de chasseurs-cueilleurs. L'idée même de progrès, spirituel (avec Teilhard), intellectuel, matériel, alimentaire, médical... qui fut la doxa des deux ou trois dernières générations est aujourd'hui remise en question.

    Faut-il donc « renverser la table » et revenir au passé ? Peut-être pas, même si l'on est enclin à marcher dans les pas de François d'Assise ou de Bartolomé de las Casas, plutôt que dans ceux de Sepúlveda. Le « monde   » est sans doute très largement enjolivé (les peuples premiers    avaient leurs conflits tribaux et leurs sacrifices humains, comme nous avons nos guerres). Mais réfléchir à réintroduire, dans nos cadres de vie et par le truchement de la loi, quelques notions que nous avons oubliées pourrait être salutaire. Après tout, notre XXIe siècle est déjà redevenu celui de l'ésotérisme avec ses concepts caligineux (régulation, conformité, risque de la preuve, gouvernement d'entreprise, responsabilité sociétale, guerre du droit...).

    Pourquoi pas, dès lors, un peu d'humanités dans les sciences dites exactes et plus de poésie dans les sciences dites humaines ? Pourquoi ne pas tenter d'infléchir nos textes, même (et d'abord ?) nationaux, vers plus de respect de toute forme de vie, des animaux et des végétaux, impliquant, notamment, un essai d'alignement de la production sur les besoins réels et non l'inverse ? Sans retomber dans les errements de la théorie des communs, pourquoi ne pas essayer de modifier les rapports sociaux en menant une réflexion en faveur de notions renouvelées de « sujet » et de « personnalité » ? Pourquoi ne pas encourager les engagements collectifs plutôt que l'égotisme ?

    On sait quelle place éminente avaient (et peuvent encore avoir parfois) les songes chez les « peuples premiers   ». Que l'on nous pardonne d'avoir ici, quelques instants, à notre tour, cédé à la tentation de prêter quelque intérêt à nos propres rêves...

     

    Mr Guevel, Professeur de droit privé et sciences criminelles, Doyen honoraire


    votre commentaire
  •  

    Le gouvernement fédéral devrait présenter jeudi 3 décembre 2020 un projet de loi visant à garantir que les lois du Canada sont en harmonie avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 2007. 

    On s’attend à ce que ce texte fasse écho au projet de loi d’initiative parlementaire du député néo-démocrate québécois Romeo Saganash, adopté par la Chambre des communes il y a deux ans, mais qui n’avait pu être adopté au Sénat avant le déclenchement des élections en 2019. 

    Les sénateurs conservateurs soutenaient à l’époque que cette mesure législative pourrait avoir des conséquences juridiques et économiques indésirables. Le projet de loi est finalement mort au feuilleton lorsque le Parlement a été dissous pour les élections de l’automne dernier.

    «Que les droits humains des peuples autochtones soient encore remis en doute, considérés comme des droits humains de seconde classe par rapport aux droits fondamentaux des autres, même en 2019, même dans ce pays qui s’appelle le Canada, c’est extrêmement décevant pour moi», déplorait en juin 2019 le député d’Abitibi–Baie-James–Nunavik–Eeyou, parrain du projet de loi. M. Saganash ne s’est pas représenté au scrutin d’octobre 2019.

    Dans le programme libéral, le premier ministre Justin Trudeau a promis en 2019 de réintroduire le projet de loi au nom du gouvernement. Le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, affirme que le projet de loi a «une immense valeur réelle et symbolique» pour les peuples autochtones du Canada.

    Il établira un certain nombre de principes «quant aux droits inhérents des Autochtones et à la responsabilité correspondante du gouvernement fédéral», a déclaré M. Miller lors d’une conférence de presse mercredi à Ottawa.

    «Ces principes devront nous guider sur ce que l’on attend de nous en tant qu’êtres humains», a-t-il indiqué.

    M. Miller a prédit qu’une fois ratifiée la Déclaration de l’ONU, il y aurait «un énorme travail» à faire pour harmoniser les lois fédérales avec ses principes, notamment pour «sortir de la Loi sur les Indiens et aller vers l’autodétermination».

    Le Canada d’abord contre 

    Lors du vote à l’Assemblée générale de l’ONU en 2007, le Canada avait d’abord voté contre la Déclaration, mais il l’a finalement adoptée en 2010. Il doit maintenant la ratifier au Parlement. 

    La Déclaration affirme le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et à leur langue, leur culture et leurs terres ancestrales. Elle établit également des «normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde». 

    La Déclaration de l’ONU précise également la nécessité d’un consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones sur tout ce qui porte atteinte à leurs terres ou à leurs droits. C’est cette disposition qui s’est avérée particulièrement controversée parmi les sénateurs conservateurs lors du débat sur le projet de loi de Roméo Saganash. Des sénateurs craignaient qu’on accorde ainsi aux Autochtones un droit de veto sur l’exploitation des ressources naturelles.

    À l’époque, les fonctionnaires du ministère de la Justice assuraient que le projet de loi de M. Saganash ne changerait en rien le cadre juridique du Canada. Cette disposition, disaient-ils, renforcerait simplement un principe de longue date selon lequel les normes internationales peuvent être utilisées pour interpréter les lois nationales.

    Le projet de loi de M. Saganash ne comprenait que six articles, dont l’un affirmait qu’il ne diminuerait ni n’éteindrait les droits constitutionnels ou issus de traités existants des peuples autochtones. Les sénateurs conservateurs voulaient notamment modifier cet article pour préciser que rien dans le projet de loi n’aurait pour effet d’augmenter ou d’élargir ces droits.


    votre commentaire
  •  

     NATIVES est le premier média en langue française autour des peuples racines, avec deux piliers d’expression lancés progressivement. Deux numéros sont déjà parus.

    Abonnez-vous!

    Pour en savoir plus: http://www.revue-natives.com/revue/

     

    • Privilégier la parole directe des représentants de peuples racines (directement ou au travers de leurs représentants) des cinq continents. S’appuyer sur des contributeurs, journalistes, auteurs, experts de ces questions dans les domaines culturel, politique, écologique, scientifique, artistique et autres.

    • Magazine d’information et de réflexion destiné au grand public, NATIVES n’est en aucun cas une revue de type universitaire dédiée à l’approche ethnographique ou anthropologique.

    • Il s’agit de mettre en lumière la modernité de la voix de ces peuples et l’enrichissement que la civilisation occidentale peut y trouver, non pas dans la perspective d’un réenchantement du monde mais d’une élévation de tous dans le respect de l’humanité, de la nature et de la planète. C’est pourquoi le regard porté sur ces peuples n’est ni condescendant, ni idéaliste, ni revendicatif, et vise avant tout à privilégier l’aspect « miroir des connaissances ».

    • Permettre un « échange fructueux » entre leur savoir traditionnel et notre modernité, au travers d’articles retraçant des collaborations et travaux en commun, notamment auprès de scientifiques.

    • L’ouverture est périphérique et transdisciplinaire, à l’écoute de l’actualité parfois tragique de certaines communautés tout comme de leurs savoirs immémoriaux. NATIVES entend montrer combien ces cultures sont vivantes et indispensables à la construction d’un futur souhaitable pour l’ensemble de l’humanité.

     

     

    Natives


    votre commentaire
  • Proposition de loi sur la protection des droits peuples autochtones pygmées en RDC

    L'Assemblée nationale a adopté  au cours de la plénière de ce vendredi 5 juin 2020 la proposition de loi sur la protection et la reconnaissance des droits de peuples autochtones pygmées en République démocratique du Congo. Il s'agit de l'initiative du député national Ruben Rachidi Bukanga déposée au Bureau de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2019.

     

    Pour Ruben Rachidi Bukanga cette adoption est le couronnement d'un long combat afin de réparer les injustices et discriminations dont font objet les peuples autochtones pygmées qui sont des Congolais à part entière. Il promet de suivre avec ses collègues l'évolution du dossier au niveau de la commission.

    " Les collègues députés ont voté massivement pour l'adoption de cette loi, nous pouvons dire que c'est le couronnement d'un long combat. Moi même je l'ai commencé dans la société civile avant d'être député. Nous sommes sûrs et convaincus que ça va suivre le processus normal. Nous allons veiller que ça soit fini au niveau de la commission afin que ça soit adopté article par article par l'assemblée plénière. C'est un combat que moi-même j'ai commencé depuis plus de 10 au niveau de la société. J'ai vécu les injustices et discriminations dont sont objet les peuples autochtones pygmées. Et c'est irrationnel. On ne peut pas accepter par exemple qu'une femme pygmée ne doit pas accoucher dans une maternité où il y a les femmes bantoues ou nilotiques", a-t-il déclaré.

    L'élu de Kindu révèle qu'il travaille sur une proposition à soumettre à l'Assemblée nationale afin qu'un représentant de peuples autochtones pygmées soit coopté dans chaque assemblée provinciale afin de porter tout haut leur voix.

    "Nous sommes allés un peu plus loin pour qu'il y ait une discrimination positive. Pourquoi pas coopter un représentant des peuples autochtones pygmées dans chaque assemblée provinciale ?   Et cela à travers la loi électorale. Nous avons plus ou moin l'avale de nos collègues. Comme ça, ils peuvent porter leur voix au plus haut niveau", a-t-il ajouté.

    De son côté, la députée Adolphine Miley Byayuwa, ajoute que cette loi ne vient pas remplacer celles qui existent déjà mais plutôt compléter certains aspects qui n'ont pas été pris en charge. Elle invite ses collègues de voter cette loi. 

    "Nous devons remercier d'abord nos collègues députés pour avoir accepté que cette proposition de loi soit programmée à l'ordre du jour donc recevable. Nous pensons que comme ça sera en commission, toutes les intelligences de l'Assemblée nationale vont y travailler afin que les dignes représentants des peuples congolais puissent adopter cette loi. Nous pensons que cette loi pourrait réparer l'injustice mais je veux rappeler ici que le législateur congolais avait déjà consacré l'égalité de tous les peuples dès leur naissance y compris le peuple autochtone pygmée. Il faut souligner qu'il y a un problème d'application de la loi et que cette proposition de loi c'est pas pour corriger les lois existantes. Seulement qu'il y a d'autres aspects qui n'ont pas été pris en compte mais que cette proposition de loi vient compléter. C'est pourquoi nous demandons à nos collègues députés cette loi."a-t-elle déclaré.

    Après son adoption, la proposition de loi a été envoyée à la commission socio-culturelle de l'Assemblée nationale pour examen afin de l'enrichir avec les recommandations formulées au cours de la plénière. Après cette étape, elle sera voté article par article et envoyée au Sénat avant d'être promulguée par le président de la République.

    Selon l'histoire, les pygmées sont les premiers peuples à occuper le territoire devenu aujourd'hui la République démocratique du Congo.


    votre commentaire
  •  

    Un projet de loi autorisant l'exploitation minière et agricole des terres indigènes a été validé par le président brésilien.

    Le président brésilien Jair Bolsonaro a donné son feu vert mercredi 3 juin 2020 à un projet de loi visant à autoriser notamment l'exploitation minière et agricole sur les territoires réservés aux indigènes. Le nouveau texte, qui n'a pas encore a été rendu public, sera soumis prochainement au vote du Congrès.

    «J'espère que ce rêve va se concrétiser», a déclaré le chef de l'État lors d'une cérémonie officielle à Brasilia lors de laquelle il a apposé sa signature sur le projet de loi rédigé par le gouvernement. «Les indigènes sont des êtres humains comme nous, ils ont un coeur, des sentiments, des désirs, et des nécessités. Ils sont aussi Brésiliens que nous», a-t-il poursuivi. À l'issue d'une grande réunion d'une semaine au Mato Grosso (ouest) à la mi janvier, plusieurs centaines de leaders indigènes avaient dénoncé dans un manifeste un «projet de génocide, ethnocide et écocide».

    Le projet de loi prévoit de réguler une série d'activités économiques sur les territoires indigènes, autorisant ainsi l'exploration minière ou pétrolière, les barrages hydroélectriques ou l'agriculture. La législation actuelle interdit toute exploration minière ou exploitation agricole non traditionnelle. Si le projet de loi est approuvé, ces activités pourront être pratiquées par les indigènes eux-mêmes, ou des personnes venues de l'extérieur, sous réserve d'une autorisation des communautés autochtones.

     

    Promesse de campagne

    L'ouverture aux activités économiques des terres indigènes faisait partie des promesses de campagne du président d'extrême droite, ce qui a accru ces derniers mois, selon des représentants de ces communautés indigènes et d'ONG, la violence et la pression des entreprises minières et d'exploitation du bois en Amazonie.

    «Ce grand pas en avant dépend du Parlement, qui va subir des pressions des écologistes. Si je pouvais, j'aimerais confiner ces écologistes au beau milieu de l'Amazonie (...) pour qu'ils arrêtent d'embêter les peuples amazoniens depuis la ville», a ironisé Jair Bolsonaro. Ce projet est défendu de longue date par le président d'extrême droite, qui a déclaré à plusieurs reprises que les restrictions aux activités minières et agricoles dans leurs territoires condamnaient les indigènes à être «confinés comme dans un zoo».

    Le gouvernement dit avoir le soutien de nombreux leaders indigènes. Mais de nombreux caciques comme l'emblématique Raoni Metuktire n'ont cessé de critiquer cette politique environnementale qui menace selon eux leur mode de vie traditionnel, mais aussi l'équilibre écologique de toute la planète.

     


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires