• En Amazonie, l’arc et le smartphone

    En Amazonie, l’arc et le smartphone

      Almir Narayamoga Surui est un militant autochtone de l’Amazonie brésilienne qui œuvre à concilier sauvegarde de l’environnement et développement économique.

    À 41 ans, Almir Narayamoga Surui a déjà fait plusieurs fois le tour de la planète, obtenu de nombreux prix, rencontré une multitude de personnalités, comme il le raconte dans un livre passionnant, émouvant et souvent très drôle (1). Petit homme d’apparence réservée, à la peau très brune, au visage rond, aux yeux noirs, coiffé d’un impressionnant « cocar » en plumes d’aigle, il appartient à l’ethnie des Paiter Surui, environ 1 400 personnes vivant dans l’État amazonien du Rondônia, plaqué contre la Bolivie, dans l’ouest du Brésil.

    Il est né en 1974, cinq ans après les premiers contacts de son peuple avec les Blancs. Une rencontre aux conséquences désastreuses puisque ces derniers sont passés, en trois ans, de 5 000 personnes à 240, décimés par deux épidémies de grippe et une de rougeole, maladies contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés. Sans parler de nombreux conflits meurtriers avec les populations nouvellement arrivées dans la région grâce à l’ouverture de la route transamazonienne. Des prospecteurs, des petits fermiers, des exploitants forestiers, des bûcherons incités par les politiques gouvernementales visant à coloniser ces immenses espaces aux richesses prometteuses…

    La forêt, source de vie pour son peuple

    Cette histoire est à l’origine de son engagement précoce : « Dès l’âge de 10 ans, j’assistais, en tant que spectateur, aux réunions de mon clan. Les combats de mes aînés contre l’occupation et l’exploitation de nos forêts m’ont inspiré. L’une de leurs grandes victoires a été d’obtenir, en 1976, le marquage de notre territoire, soit 247 870 hectares. »

    À 17 ans, Almir est élu chef de son clan à la suite de son père. À 20 ans, il devient coordinateur du mouvement indigène de l’État du Rondônia, puis responsable environnement de la Coordination des Indiens d’Amazonie brésilienne (Coiab). À 26 ans, il est chef de l’ensemble des Paiter Surui, avec la lourde tâche de protéger la forêt, source de vie pour son peuple. Almir est également titulaire d’un diplôme universitaire en biologie.

    Aujourd’hui, son objectif est la sauvegarde de l’environnement, de la culture traditionnelle tout en obtenant l’indépendance financière de son peuple. Pour y parvenir, il ne manque pas d’idées et d’audace.

    Le système de compensation carbone

    Ces dernières années, faisant preuve d’un incroyable aplomb, il a profité de son passage en Californie en 2007 pour obtenir de Google Earth qu’elle cartographie le territoire de son peuple et crée une application lui permettant de géolocaliser les abattages clandestins d’arbres en temps réel. En 2012, il a mis en place un système de compensation carbone, élaboré lors des négociations climatiques de Bali en 2008. De grandes entreprises achètent des crédits « carbone » aux Suruis qui, grâce aux sommes collectées, reboisent la forêt. « Rien que cette année, plus de 35 000 arbres ont été replantés un par un », annonce fièrement Almir.

    Mais la pression reste grande. Freinée, la déforestation se poursuit, parfois avec la complicité de certains Suruis. On estime que quarante camions de bois coupé illégalement sortent chaque jour. « Une situation qui touche l’ensemble de la forêt amazonienne et ses 220 peuples autochtones. Un cinquième de la forêt a aujourd’hui disparu au profit de l’élevage intensif, de la culture du soja, de la consommation de bois », précise le chef indien, qui entend profiter de la conférence sur le climat de Paris dans quelques mois pour obtenir des décisions concrètes. « Dans le contexte du réchauffement climatique qui empire, il est important que les gens qui détiennent le pouvoir se rendent compte des nuisances que cela provoque sur la qualité de vie des gens et prennent les décisions qui s’imposent. »

    « Je n’ai pas encore été invité, sourit-il, mais j’y compte bien. » Quand on lui demande s’il ne craint pas que certaines personnes qui s’affichent en sa compagnie se servent de son image, il éclate de rire. « C’est inévitable, mais nous en faisons autant », conclut Almir avec malice.

    Emmanuel Romer          

    (1) Sauver la planète. Le message d’un chef indien d’Amazonie, d’Almir Narayamoga Surui et Corine Sombrun. Albin Michel. 190 p., 18 €.


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