• Journée «Peuples en danger». Samedi 28, Arte. A partir de 12h05.; L'impact du monde

    Arte consacre une journée à ces peuples traditionnels menacés aux quatre coins du monde, dont la survie importe si peu aux civilisations dominantes qui les détruisent

    C'EST UNE HISTOIRE que connaissent tous les anciens de l'école de la rue de Lille. Un amateur parisien apprend une langue africaine rare aux Langues O' et veut absolument la pratiquer. Il s'enfonce profondément dans la brousse africaine et trouve enfin un vieil homme avec qui il peut converser sans difficulté dans la langue en question. A la fin, le vieil homme lui demande: « Où avez-vous donc appris cette langue?

    - A l'Institut national des Langues et Civilisations orientales de Paris.

    - Moi aussi. »

    On estime que toutes les deux semaines une langue disparaît dans le monde. A ce rythme, la moitié des 6 000 à 7 000 langues parlées aujourd'hui ne sera plus qu'un souvenir d'ici à la fi n du siècle. Mais il n'y a pas que les langues qui s'éteignent, les peuples aussi. Et les sociétés dites évoluées n'écoutent que d'une oreille leurs cris de détresse. Le rouleau compresseur de la civilisation de masse a condamné à l'avance ces peuples autochtones, ou indigènes, ainsi que leur culture, leurs traditions, leur mode de vie venus du fond des âges. Expulsion, épidémie, barrage hydroélectrique, exploitation minière ou pétrolière, déforestation: par tous les moyens, les civilisations dominantes les absorbent ou les détruisent. Toute la journée, Arte rend hommage à ces populations éparpillées autour du globe.

    Des fantômes clochardisés sur leur propre terre

    « Papous, entre deux mondes », de Daniel Vigne (à 20h50), nous transporte en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Lorsqu'il se rend compte que son niveau de qualification est insuffisant pour vivre décemment en ville, Benneth, un jeune homme de 27 ans, s'interroge sur son avenir et décide de retourner dans son village au bord du fleuve Sepik, à douze heures de pirogue, pour devenir un « homme crocodile ». Le rituel d'initiation est long et douloureux puisque le corps doit être scarifié pour imiter les écailles du saurien. Mais chez les Iatmuls, où les femmes sont quantité négligeable, pour jouer un rôle dans la communauté il faut en passer par là. Benneth endure stoïquement l'épreuve, et renouer avec la tradition semble dissiper ses états d'âme.

    Hélas, lorsqu'on découvre de quelle façon les gisements aurifères sont exploités par les compagnies occidentales, le déséquilibre du rapport de force saute aux yeux. Avant que les Blancs n'arrivent, les Papous ignoraient la valeur de l'or. Maintenant qu'ils la connaissent, ils en sont réduits à être des fantômes clochardisés sur leur propre terre. En attendant, le fleuve Sepik déroule ses anneaux sous un ciel toujours plus lourd, et les Iatmuls, dont les sculptures rituelles s'arrachent en vente publique, assistent à l'effondrement inéluctable de leur système de vie traditionnel.

    On estime que toutes les deux semaines, une langue disparaît dans le monde.

    Vivre à l'écart du monde et rejeter toute idée étrangère

    Chez les Pirahãs, tout dépend aussi du fleuve. Le passionnant documentaire de Michael O'Neill et Randall Wood, « la Langue cachée d'Amazonie » (à 22h50), nous introduit auprès de cette peuplade heureuse. Le secret de leur bonheur est sans doute de vivre à l'écart du monde et de rejeter toute idée étrangère. Pour avoir passé sept ans chez eux avec femme et enfants dans les années 1970, Daniel Everett les connaît bien. A l'époque, il était missionnaire. Non seulement il n'a pas réussi à en convertir un seul, mais leur béatitude a eu raison de sa foi. Les Pirahãs ne se soucient ni du passé ni de l'avenir, d'où leur très grande tranquillité d'esprit. Ils n'ont pas de système de numérotation (« peu », « davantage » et « beaucoup » leur suffi sent), ne disposent pas de mots pour désigner les couleurs, et leur langue ne s'embarrasse pas de subtilités grammaticales.

    Depuis qu'il ne cherche plus à les persuader de l'existence d'un enfer, Everett se consacre à la linguistique. A force de converser avec ses amis pirahãs, chez qui il retourne tous les ans, il s'est aperçu que leur langue n'était pas récursive. Autrement dit, que sa structure syntaxique ne permet pas de combiner plusieurs idées dans une même phrase. Mais cette propriété est considérée par beaucoup comme un des fondements du langage humain, et la thèse de l'ancien missionnaire est aussitôt jugée hérétique. Avec des conséquences cruelles pour les Pirahãs et leur seul ami blanc.


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