• La chute du ciel (Davi KOPENAWA, Bruce ALBERT)

    La chute du ciel (

    2010     828 p;   28,50 €

       Un grand chaman et porte-parole des Indiens Yanomami offre dans ce livre un récit exceptionnel, à la fois témoignage autobiographique, manifeste chamanique et cri d'alarme contre la destruction de la forêt amazonienne. Il y relate à la première personne son histoire hors du commun et ses méditations de chaman face au contact prédateur de la frontière blanche à laquelle son peuple se trouve confronté depuis les années soixante. Ce livre a été écrit à partir de ses paroles, recueillies en langue yanomami, par un ethnologue avec qui il a lié une très longue amitié.   
       Trois parties composent l'ouvrage :   
       -"Devenir autre" retrace sa vocation de chaman depuis l'enfance jusqu'à son initiation à l'âge adulte. Elle décrit par ailleurs toute la richesse d'un savoir cosmologique séculaire acquis grâce à l'usage de puissants hallucinogènes.  
       -"La fumée du métal" relate, à travers son expérience personnelle, souvent dramatique, l'histoire de l'avancée des Blancs dans la forêt, missionnaires, ouvriers, routiers, chercheurs d'or, et leur cortège d'épidémies, de violences et de destructions. 
       -Enfin, "La chute du ciel" rapporte son odyssée pour dénoncer la décimation de son peuple lors de voyages en Europe et aux Etats-unis.  Emaillé de visions chamaniques et de méditations ethnographiques à propos des Blancs, ce récit débouche sur un appel prophétique qui annonce la mort des chamans et la chute du ciel pour dénoncer la dévastation de la forêt amazonienne par le "peuple de la marchandise".  

    Extrait     MÉMOIRES D'OUTRE-MONDE

      Dans ce qu'on pourrait nommer «la bibliothèque indienne» de Terre Humaine, où se sont exprimés magistralement de grands spécialistes et des penseurs comme Claude Lévi-Strauss, Darcy Ribeiro, Roger Bastide, Pierre Clastres, Philippe Descola, Francis Huxley, Jacques Soustelle ou de nobles voix indiennes telles que celle de l'Indien hopi Don C. Talayesva, du Yahi Ishi, du Sioux Tahca Ushte ou même d'Helena Valero, jeune métis enlevée à treize ans sur le Rio Negro au Brésil par les Yanomami et devenue, durant vingt-quatre ans, Napëyoma, une femme yanomami à part entière, se sont imposées avec une telle force de conviction qu'elles résonnent désormais à nos oreilles avec le son symbolique d'un tocsin. Ces hommes et femmes inspirés rejoignent les grands témoins des peuples premiers que révèle Terre Humaine sur les cinq continents.

      Le tocsin d'un peuple premier - je préfère parler de «peuple racine» - que notre Occident orgueilleux et dominateur n'a pas hésité à brutaliser, à déstructurer et finalement à réduire dans des réserves, où ces nations antiques indiennes poursuivent leur existence en étant l'ombre de ce qu'elles ont été. L'Unesco annonce 2010 comme l'«Année internationale du rapprochement des cultures».

      Plaise au ciel que ce «rapprochement» n'ait pas pour préalable l'intégration, comme cela a été si souvent au titre du développement ; c'est-à-dire la désintégration, au nom de la vérité et du progrès. Chaque semaine, deux langues disparaissent alors même qu'elles sont le support d'une civilisation et sans doute, selon l'Unesco, «la plus grande création du génie humain». L'Unesco nous rappelle que, dans sa politique de défense des droits des peuples, sa voix contre ces crimes de l'esprit n'est guère entendue.

       Dans cette tribu Terre Humaine dont tout Occidental devrait écouter la voix avec une émotion teintée de remords, s'impose aujourd'hui un extraordinaire chaman, Davi Kopenawa ; sa voyance et sa méticulosité, en vérité stupéfiantes, nous font voyager à travers le monde imaginaire des esprits amérindiens, à la manière dont Henri Michaux ou Antonin Artaud nous ont fait pénétrer dans le nôtre. Imaginaire, pour nous, mais bien réel pour Davi Kopenawa, puisqu'il voit les images de ses xapiri, descendants des ancêtres animaux et leur parle et partage leur vie.

    Revue de presse

      L'expérience exposée par Bruce Albert et Davi Kopenawa est en effet celle d'une catastrophe : la disparition de la forêt d'Amazonie et de ses habitants, humains et non humains. La beauté du livre vient de ce que cette catastrophe est racontée par ceux qui en sont les victimes, et ce dans leur langage. D'où le titre : La Chute du ciel, c'est le moment où la forêt sera écrasée par le ciel parce que le dieu Omama et les esprits xapiri ne le soutiendront plus. Alors Omama aura perdu sa lutte contre Teosi, le dieu des missionnaires pour lequel ont été ouvertes les routes de la forêt...
    Dérisoire superstition ? Ces idées s'inscrivent pourtant dans des actions réelles. (Frédéric Keck - Le Monde du 12 novembre 2010 )

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