• La grande revanche ...( J. B. MOUTTET, J. PACOREL)

    2013    151 p.   19 €

    La grande Revanche, sous-titré Les Amérindiens à la reconquête de leur destin, vient de paraître aux éditions Autrement. Ecrit par Jean-baptiste Moutet et Julie Pacorel, ce livre raconte comment depuis une vingtaine d’années, les peuples indigènes d’Amérique latine, mènent une nouvelle lutte pour leur liberté, leur dignité et la préservation de leurs cultures.

    Les deux auteurs ont parcouru en tant que journalistes, la plupart des pays d’Amérique latine. Le livre nous promène des Mapuches du Chili, aux Quechuas de Bolivie et d’Equateur, des Guaranis du Paraguay au Tikuna de Colombie ou des Wayuu du Venezuela. Les auteurs nous rapportent leurs rencontres les plus marquantes livrant une série de portraits tout à fait saisissants.

    Mais le livre va plus loin : il dresse un constat argumenté de la situation des peuples autochtones aujourd’hui, retraçant la genèse de leurs luttes et parfois les ambiguïtés et les désillusions qui en sont nées. Ils rappellent le rôle que les églises ont joué, parfois très tôt avec les jésuites et les capucins, et celui des ONG (Organisations non gouvernementales) qui se sont multipliées dans la région andines.

    Certaines ONG, voulant développer un tourisme ethnique, ont parfois totalement folklorisé la vie des communautés. Les auteurs montrent comment l’attitude des organisations caritatives a bouleversé les cultures locales, dans la continuité des hommes d’église. Arrivés dans une communauté isolée de l’Amazonie, les autochtones, loin d’être surpris de leur arrivée, les interrogent : « Vous êtes de quelle organisation ? Vous nous apportez quoi ? »

    Les auteurs nous content le cas de communautés guaranis de l’Alto Parapeti en Bolivie qui jusqu’en 2008 vivaient en esclavage dans de grandes haciendas. La Croix rouge a réussi à faire connaître ces situations et l’OIT (Organisation internationale du travail) a pu forcer les instances nationales à agir. Si ensuite des ONG sont venus apporter des aides, la situation de certaines communautés a empirée car ils n’ont pas encore récupéré leurs terres ou manquent de financements pour leurs semences et ne bénéficient même plus du maigre repas quotidien que le propriétaire de l’hacienda consentait à leur donner.

    Jean-Baptiste Mouttet et Julie Pacorel relèvent enfin le grand malentendu qui a transformé les amérindiens en « écologistes naturels ». Ainsi une revue écologiste française s’appelle Pachamama, un mot qui est devenu le symbole de la lutte écologiste, ignorant le sens profond que les autochtones donnent à ce terme. Non, les peuples andins ne sont pas des saints écologistes, ils ont seulement un lien particulier qui les unit à leur terre, un lien difficile à comprendre pour un occidental urbanisé.

    Au fil du livre, on sent comment après des siècles d’humiliation et de destruction de leur espace naturel, les amérindiens ont développé une méfiance à l’égard de tout projet venu de l’extérieur. Les conflits se multiplient ces dernières années principalement contre des projets miniers ou pétroliers. Beaucoup de pays, l’Equateur, la Colombie, la Bolivie ou le Venezuela par exemple, ont adopté une constitution ou une législation qui affirme reconnaître les droits des autochtones sur leurs espaces ancestraux. Mais leur application se révèle compliquée, et bien souvent, les logiques extractivistes reprennent le dessus, provoquant des affrontements souvent violents et parfois mortels.

    La Grande revanche. Les Amérindiens à la reconquête de leur destin. Jean-Baptiste Mouttet et Julie Pacorel. Avant propos Raoni. Editions Autrement. 151 pages. 19 euros.

     

    La grande revanche des Indiens d’Amérique

     
    Nos anciens correspondants en Amérique Latine signent un premier livre engagé sur les combats des ethnies indiennes en Amérique du Sud.

    Que savons-nous des Indiens d’Amazonie? Sans doute peu de choses, au-delà de la visibilité dont ils bénéficient par intermittence, à travers le combat du grand chef Raoni, ou bien grâce à un bref coup de projecteur après un film comme Avatar.

    Et pour cause: les Amérindiens ne recouvrent pas une seule entité mais des tribus diverses, nombreuses, parfois divisées. Leur point commun? Qu’ils soient Arhuaco, Pumé, Mapuches ou Quéchua, tous subissent les discriminations, assistent à la déforestation de leurs terres, sont parfois réduits en esclavage dans les propriétés agricoles.

    Ancien journaliste de Youphil.com, Jean-Baptiste Mouttet est parti avec sa compagne Julie Pacorel arpenter le continent à la rencontre de ces Indiens à la reconquête de leur destin. Militants, entrepreneurs, étudiants, dirigeants politiques... leur combat passe toujours par une quête de leur propre identité et par la défense de leur territoire.

    Vous pouvez relire les aventures de Jean-Baptiste Mouttet et Julie Pacorel en Amérique Latine sur leur blog “Solidaridad Latina”.

    Approcher les Indiens d’Amérique, nous expliquent les deux journalistes, c’est d’abord renoncer à l’immédiateté et prendre le temps d'écouter un récit qui commence toujours par le commencement: l’arrivée des colons.

    Les belles paroles des sociétés minières

    Pour beaucoup d’Indiens d’Amazonie, la situation n’a pas changé depuis le XVIe siècle. A chaque fois, c’est le même schéma: une entreprise cherche à s’établir, promet le développement d’une région pauvre, la création de quelques emplois à la clé. Le gouvernement donne son aval, une partie de la population locale soutient le projet. Mais rapidement, les richesses sont dilapidées au profit de sociétés minières étrangères.

    Dans cet ouvrage préfacé par Raoni, les deux journalistes analysent notamment la manière dont les ethnies indiennes ont utilisé les médias pour faire connaître leur cause, allant parfois jusqu'à faire preuve d'une rhétorique guerrière face aux sociétés étrangères.

    Les dérives du tourisme communautaire

    Les auteurs n’hésitent pas à poser un regard critique sur l’action des ONG, arrivées dans les année 1980 pour aider les Indiens. Le tourisme communautaire qu’elles développent n’aurait-il pas des effets pervers? Des pans de culture, jugés moins “vendeurs”, sont en effet parfois mis en berne pour satisfaire les touristes occidentaux qui veulent de l’authentique ou tout du moins “un aperçu conforme à l’image qu’ils ont de l’Indien authentique”.

    Les auteurs de ce livre ne se sont pas contentés d’une visite furtive, d’un rapport d’étonnement de deux Occidentaux au sein des tribus indiennes, mais dissèquent avec précision, chiffres à l’appui, les difficultés auxquelles font face les Amérindiens.

    La “reconquête de leur destin” semble en effet compliquée par un “système qui ne reconnaît que le droit individuel et pas les droits collectifs, et qui tend à refuser toute forme de reconnaissance de groupes communautaires”, comme le précise Alexis Tiouka, expert guyanais en droit des peuples autochtones interrogé par les auteurs.

    Radios communautaires et campus au bord d’un ruisseau

    Pour les Indiens, cette reconquête passe avant tout par une plus grande visibilité... auprès des tribus elles-mêmes. En ce sens, le rôle des médias, et notamment des radios communautaires qui décrivent le mode de vie traditionnel des Indiens, est crucial.Tout comme ces universités un peu spéciales, où un professeur torse nu enseigne l’agriculture traditionnelle à des étudiants pieds nus, près d’un ruisseau.

    Une manière de faire (re)vivre la culture indienne, sans sombrer dans le folklore. A coup sûr, un livre indispensable pour découvrir les Amérindiens, au-delà du “mythe du bon sauvage”.

    Photo: Daniel Aguirra, animateur d'une radio communautaire, dans le Nord de l'Argentine, photographié pour l'article"Les médias les boudent, ils créent leur radio."

     


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