Que savons-nous des Indiens d’Amazonie? Sans doute peu de choses, au-delà de la visibilité dont ils bénéficient par intermittence, à travers le combat du grand chef Raoni, ou bien grâce à un bref coup de projecteur après un film comme Avatar.
Et pour cause: les Amérindiens ne recouvrent pas une seule entité mais des tribus diverses, nombreuses, parfois divisées. Leur point commun? Qu’ils soient Arhuaco, Pumé, Mapuches ou Quéchua, tous subissent les discriminations, assistent à la déforestation de leurs terres, sont parfois réduits en esclavage dans les propriétés agricoles.
Ancien journaliste de Youphil.com, Jean-Baptiste Mouttet est parti avec sa compagne Julie Pacorel arpenter le continent à la rencontre de ces Indiens à la reconquête de leur destin. Militants, entrepreneurs, étudiants, dirigeants politiques... leur combat passe toujours par une quête de leur propre identité et par la défense de leur territoire.
Vous pouvez relire les aventures de Jean-Baptiste Mouttet et Julie Pacorel en Amérique Latine sur leur blog “Solidaridad Latina”.
Approcher les Indiens d’Amérique, nous expliquent les deux journalistes, c’est d’abord renoncer à l’immédiateté et prendre le temps d'écouter un récit qui commence toujours par le commencement: l’arrivée des colons.
Les belles paroles des sociétés minières
Pour beaucoup d’Indiens d’Amazonie, la situation n’a pas changé depuis le XVIe siècle. A chaque fois, c’est le même schéma: une entreprise cherche à s’établir, promet le développement d’une région pauvre, la création de quelques emplois à la clé. Le gouvernement donne son aval, une partie de la population locale soutient le projet. Mais rapidement, les richesses sont dilapidées au profit de sociétés minières étrangères.
Dans cet ouvrage préfacé par Raoni, les deux journalistes analysent notamment la manière dont les ethnies indiennes ont utilisé les médias pour faire connaître leur cause, allant parfois jusqu'à faire preuve d'une rhétorique guerrière face aux sociétés étrangères.
Les dérives du tourisme communautaire
Les auteurs n’hésitent pas à poser un regard critique sur l’action des ONG, arrivées dans les année 1980 pour aider les Indiens. Le tourisme communautaire qu’elles développent n’aurait-il pas des effets pervers? Des pans de culture, jugés moins “vendeurs”, sont en effet parfois mis en berne pour satisfaire les touristes occidentaux qui veulent de l’authentique ou tout du moins “un aperçu conforme à l’image qu’ils ont de l’Indien authentique”.
Les auteurs de ce livre ne se sont pas contentés d’une visite furtive, d’un rapport d’étonnement de deux Occidentaux au sein des tribus indiennes, mais dissèquent avec précision, chiffres à l’appui, les difficultés auxquelles font face les Amérindiens.
La “reconquête de leur destin” semble en effet compliquée par un “système qui ne reconnaît que le droit individuel et pas les droits collectifs, et qui tend à refuser toute forme de reconnaissance de groupes communautaires”, comme le précise Alexis Tiouka, expert guyanais en droit des peuples autochtones interrogé par les auteurs.
Radios communautaires et campus au bord d’un ruisseau
Pour les Indiens, cette reconquête passe avant tout par une plus grande visibilité... auprès des tribus elles-mêmes. En ce sens, le rôle des médias, et notamment des radios communautaires qui décrivent le mode de vie traditionnel des Indiens, est crucial.Tout comme ces universités un peu spéciales, où un professeur torse nu enseigne l’agriculture traditionnelle à des étudiants pieds nus, près d’un ruisseau.
Une manière de faire (re)vivre la culture indienne, sans sombrer dans le folklore. A coup sûr, un livre indispensable pour découvrir les Amérindiens, au-delà du “mythe du bon sauvage”.
Photo: Daniel Aguirra, animateur d'une radio communautaire, dans le Nord de l'Argentine, photographié pour l'article"Les médias les boudent, ils créent leur radio."