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Un brin d'herbe contre le goudron (Maria AGUINDA)
2012, 188 pages, 18 euros
En janvier 2012 s'est achevé un procès historique : la compagnie pétrolière Chevron-Texaco a été condamnée à verser 19 milliards de dollars pour avoir pollué la forêt amazonienne. En face du géant américain, Maria Aguinda et les trente mille victimes équatoriennes de cette pollution. Maria a toujours vécu au coeur de l'Amazonie. Quand l'exploitation du pétrole a commencé, personne ne s'est méfié. Mais les puits se sont multipliés et des résidus de cette pâte noire ont contaminé les sols et les rivières. Les animaux sont morts, les plantes ont dépéri. La nourriture est venue à manquer. Puis les hommes sont tombés malades : les pathologies cutanées et les infections respiratoires ont décimé les habitants de la forêt. Maria a vu mourir son mari et deux de ses enfants. En 1993, elle refuse la loi du plus fort et porte plainte, aux côtés de trente-neuf victimes. Après des années de procédure, l'incroyable se produit : Maria et les autres ont gagné ! Grâce à ce jugement historique, les indigènes amazoniens, si longtemps méprisés par les multinationales et par leurs propres gouvernements, ont retrouvé leur fierté. Cet ouvrage est écrit avec la collaboration de Patrick Bêle, grand reporter au Figaro.
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« Un brin d’herbe contre le goudron » vient de sortir aux Editions Michel Lafon. Il s’agit du récit autobiographique de Maria Aguinda, l’un de 39 plaignants qui ont attaqué Texaco en justice pour les dégâts provoqués par l’exploitation pétrolière de la compagnie étatsunienne en Equateur entre 1964 et 1990. Je suis très honoré d’avoir participé à l’écriture de ce livre en recueillant les récits de son héroïne. Cela m’a aussi permis de vivre l’expérience unique de partager le quotidien d’une communauté kichwa de l’Amazonie équatorienne pendant plusieurs semaines.
Ce livre est le récit d’un rencontre entre une femme humble et extraordinaire et l’histoire. Cette femme n’est pas une indignée. C’est une révoltée, révoltée dès son enfance contre des parents qui ne veulent pas qu’elle aille à l’école, révoltée contre les convenances qui l’obligent à accepter un mari qu’elle ne connaît pas mais qu’elle finira par aimer. Mais surtout révoltée contre les gringos de Texaco dont l’activité pétrolière a réduit à néant son environnement.
« Nous étions au Paradis, nous sommes tombés en enfer » m’a-t-elle raconté lors de nos longs entretiens. Pour elle, Texaco a tout tué : les poissons, la rivière, la faune et la flore, la forêt et surtout la culture. « Ma culture ? Ne dépendre de rien ni de personne. Seule la forêt devrait dicter sa loi » explique-t-elle. Aujourd’hui, elle voit ses enfants contraints de travailler pour toucher un salaire afin d’acheter la nourriture qu’auparavant la forêt dispensait sans réserve.
C’est aussi cela la mondialisation : l’imposition à tous, même aux populations vivant dans les lieux les plus reculés, de participer au grand marché global. Débuté en 1993, la procédure a traîné aux Etats-Unis jusqu’à ce qu’un juge de New York décide en 2002 que seul un tribunal équatorien était compétent dans cette affaire. Le procès n’a abouti à un jugement qu’en 2011 au tribunal civil de Lago Agrio en Equateur.
La justice équatorienne a confirmé en janvier 2012 la condamnation de Chevron, qui a racheté Texaco entre temps, à 19 milliards de dollars de réparations, la plus importante peine jamais prononcée dans une affaire de pollution. Cette somme est le résultat d’une estimation du coût de réparation des dommages causés par l’exploitation pétrolière : nettoyage de l’eau, de la terre, création d’un système d’adduction d’eau, création d’un réseau de santé, etc. Les minutes du jugement, qui sont en partie reproduites à la fin de l’ouvrage, montrent que cette sentence a été minutieusement construite.
«La justice a enfin reconnu que je ne mentais pas, que mon mari et deux de mes enfants n’étaient pas morts par hasard », explique Maria Aguinda. Bien sûr, Chevron ne disposant d’aucun actif en Equateur, il sera difficile pour les autorités de ce pays de contraindre rapidement la compagnie pétrolière à verser ces dommages et intérêts. Mais cette condamnation n’en reste pas moins un extraordinaire précédent qui risque d’avoir des suites dans d’autres pays. Au Brésil, suite à une fuite du un puits offshore, le gouvernement a pris il y quelques semaines une décision de saisie conservatoire des biens de Chevron pour une valeur de 9 milliards de dollars. « Un brin d’herbe contre le goudron » est un témoignage poignant sur le colonialisme d’aujourd’hui qui provoque des catastrophes multiples, particulièrement dans les Andes, dont les premières victimes sont souvent les populations autochtones.
Un brin d'herbe contre le goudron, Maria Aguinda avec la collaboration de Patrick bèle, Edition Michel Lafon, 189 pages, 17,95 euros.
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