• L'agriculture chez les Kogis

      L'agriculture et la Terre Mère

    « L'agriculture, un thermomètre privilégié pour mesurer l'état d'harmonie des Kogis avec la mère terre » par Gentil Cruz

    Situation géographique : Plus de 17 ans passés auprès et avec les Kogis permettent à Gentil Cruz de porter un regard objectif sur les pratiques agricoles mises en oeuvre dans la Sierra, où l'on découvre que les Kogis sont de grands biologistes, qu'ils maîtrisent parfaitement l'aléopathie, "science" des complémentarités végétales, mais que ce savoir est menacé par notre vision du vivant et notamment la mise en place des OGM dans la Sierra.

    Pour les Kogis, l'agriculture est une sorte de "thermomètre" qui leur permet d'apprécier l'état de leurs relations, bonnes ou mauvaises, avec la "mère" nature. Une bonne récolte sera interprétée comme une réponse positive de la terre au travail de préparation et d'ensemencement réalisé au préalable. De telles relations ne permettent en aucun cas, l'usage d'engrais, de pesticides ou la mise en place d'une relation "mécanique" avec les sols. Celui qui va travailler la terre doit pouvoir "dialoguer" directement avec elle, s'excuser pour les blessures "spirituelles" qu'il va lui causer. Comme les êtres humains, plantes et animaux ont un esprit et des "maîtres" aussi dignes de respect que ceux des êtres humains. Il faut les identifier, les connaître et kes respecter, leur faire des offrandes. Si, malgré tout, la récolte s'avère insuffisante, mauvaise, ils vont chercher les causes de cette relation insatisfaisante et mettre en place un processus spécifique qui permette de rétablir l'équilibre avec le vivant.

    L'argent est l'un des pires ennemis de l'homme

    Si les Kogis ne sont pas partisans de la monoculture, face à l'insistance du gouvernement colombien, ils ont fini par accepter la mise en place d'un programme de développement de la culture du café. Dans certaines communautés, quelques lopins de terre ont donc été affectés à cette monoculture. Tout s'est bien passé jusqu'à ce que la communauté prenne conscience des problèmes suscités non pas tant par la mise en place d'une monoculture, mais par l'existence de revenus économiques associés. Dans une société sans argent, les revenus liés au café ont généré la création de "classes", entre ceux qui disposaient de ressources économiques avec tous les nouveaux problèmes, les questions, que cela générait, et ceux qui avaient continué à cultiver leurs cultures traditionnelles. L'argent menaçait la cohésion du groupe et l'argent, d'après les Kogis, c'est l'un des pires ennemis de l'homme. Face à ce nouveau problème, les autorités traditionnelles de la Sierra ont ordonné de ne plus cultiver le café et de laisser disparaître doucement les plantations existantes.

    Le maïs transgénique... dans la Sierra

    Les Kogis ne peuvent convevoir l'idée de semences et de cultures transgéniques. ils ont pourtant fait l'erreur d'accepter la mise en place d'un programme gouvernemental de développement de maïs ; un maïs précoce dont les composantes génétiques ont été modifiées pour augmenter la production, la vitesse de croissance et ne permettre qu'une seule récolte.

    Traditionnellement les plants de maïs sont toujours associés à des cultures de haricots grimpants, illustration de cette "science" de "l'aléopathie" que les Kogis maîtrisent si bien. Il s'agit de jouer les complémentarités de plantes à cycles proches, pour permettre un contrôle biologique "naturel" des végétaux les uns par rapport aux autres. Les haricots utilisent les plants de maïs comme tuteurs naturels et les maïs sont protégés de certains parasites par les haricots. Une complémentarité efficace et bien comprise, mais une complémentarité mise à mal par l'utilisation d'un maïs qui, après 40 jours, était déjà prêt à être récolté alors que les plants de haricots sortaient à peine de terre.

    "Les autres récoltes n'ont jamais eu lieu puisqu'il s'agissait de semences hybrides". Cette erreur, les Kogis l'ont payé cher. Après une première récolte, le maïs s'est rapidement désséché. Il est tombé au sol où il a été attaqué par les parasites. Les quelques graines qu'il fût possible de sauver furent précieusement conservées pour les prochaines semences. Mais la récolte n'eut jamais lieu... puisqu'il s'agissait de semences hybrides qui ne permettaient qu'une seule récolte. Privés de tuteurs où se fixer, les haricots, quant à eux, sont restés au sol où ils ont un peu produit. Au final, les Kogis ont perdu deux années de récoltes, et la quasi totalité de leurs semences traditionnelles. Aujourd'hui, quelques mamus disposent encore de semences qu'ils gardent jalousement par peur qu'elles ne disparaissent définitivement. Créer une banque génétique naturelle de semences traditionnelles, non génétiquement modifiées, pourrait faire partie des prochains projets de notre association. Cela serait un projet vital pour les Kogis et pour la survie d'une certaine conception du vivant.

    Notre avenir et celui des Kogis sont entre nos mains. Il est de notre responsabilité d’être humain d’agir, de donner à l’autre, au monde, pour que demain reste possible…


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