• En Equateur, un référendum approuve l’arrêt de l’exploitation d’un gisement pétrolier dans la réserve amazonienne de Yasuni

    Cette terre indigène, qui s’étend sur près d’un million d’hectares de forêt humide et primaire, constitue une réserve unique de biodiversité. Les défenseurs de l’Amazonie saluent une « victoire historique ».

    Ils ont dit stop. Lors d’un référendum organisé dimanche 20 août 2023, parallèlement à des élections générales anticipées et selon les résultats publiés lundi 21 août, les Equatoriens ont voté à 59 % pour l’arrêt de l’exploitation pétrolière dans le Bloc 43, un gisement emblématique de la réserve amazonienne de Yasuni, dans l’est du pays.

    Réclamée par un groupe environnemental depuis dix ans, cette consultation nationale sur l’avenir du bloc Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT), d’où sont extraits 12 % des 466 000 barils produits par jour en Equateur, avait été finalement autorisée en mai par la plus haute juridiction du pays.

     

    La compagnie pétrolière nationale Petroecuador, jusqu’à présent autorisée à intervenir sur quelque 300 hectares du Yasuni mais qui dit n’avoir exploité que 80 hectares, a déclaré lundi dans un communiqué qu’elle se conformerait à la « décision souveraine » des Equatoriens. Le gouvernement, qui s’opposait à cette consultation, estimait les pertes financières à 16,47 milliards de dollars (15 milliards d’euros environ) sur vingt ans si le bloc était révoqué.

    Leonardo DiCaprio et Greta Thunberg saluent le résultat

    Bien que d’autres champs pétroliers soient encore en activité dans le parc Yasuni, le Bloc 43 est devenu un symbole de la démocratie climatique et a attiré l’attention de célébrités mondiales et d’activistes qui ont suivi le référendum de près.

    La star hollywoodienne Leonardo DiCaprio, qui a fait campagne en faveur de l’arrêt de l’exploitation pétrolière, a salué le référendum comme « un exemple de démocratisation de la politique climatique ». L’activiste suédoise Greta Thunberg, également engagée dans le référendum, a écrit sur Instagram : « Voilà ce qu’est l’action climatique. »

     

    Réserve naturelle unique par la richesse de sa biodiversité, le Yasuni s’étend sur près d’un million d’hectares de forêt humide et primaire. Il est aussi une terre indigène : territoire historique des Waorani, il abrite aussi des Kichwa, ainsi que les Tagaeri, les Taromenane et les Dugakaeri, dernières communautés vivant en isolement volontaire en Equateur et fuyant la civilisation moderne.

    « Aujourd’hui, l’Equateur a fait un pas de géant pour protéger la vie, la biodiversité et les peuples indigènes ! », ont célébré sur le réseau X (anciennement Twitter) les deux principales organisations indigènes du pays, la Confeniae et la Conaie.

    Le groupe environnemental Yasunidos, à l’origine du référendum, s’est félicité d’« une victoire historique pour l’Equateur et pour la planète » : « C’est la première fois qu’un pays décide de défendre la vie et de laisser le pétrole dans le sol. »

    « L’Equateur devient le premier pays au monde à arrêter des forages pétroliers grâce à la démocratie climatique directe », ont également célébré un collectif d’ONG, dont Amazon Frontlines, Yasunidos et Alianza Ceibo. « Le résultat du référendum protège de façon permanente l’un des endroits les plus riches de la planète, marquant ainsi une victoire majeure pour les droits des peuples autochtones, la conservation de la forêt tropicale et la lutte contre le changement climatique », clame un communiqué conjoint.

    Exploitation minière rejetée aussi autour de Quito

    L’exploitation du pétrole est l’un des piliers de l’économie équatorienne – dollarisée – depuis les années 1970. Le pétrole brut, premier produit d’exportation du pays, a généré des revenus de 10 milliards de dollars (9,2 milliards d’euros) en 2022, soit environ 10 % du PIB.

    Ce sont près de 500 000 barils qui sont produits par jour dans toute la partie amazonienne du pays (Nord-Est). Ce brut est transporté par oléoduc vers la côte Pacifique, et sur des millions d’hectares se succèdent puits, pipelines, tankers, camions-citernes, stations de traitement et torchères enflammées…

     

    Cette industrie s’est révélée une bénédiction pour les caisses de l’Etat et le « développement » du pays, selon les autorités. Mais une malédiction synonyme de dette, de pauvreté et de pollution à grande échelle, accusent les activistes pro-environnement.

    Le président conservateur sortant Guillermo Lasso (au pouvoir depuis 2021) entendait doubler la production nationale. Il quittera le pouvoir en octobre, à l’issue du second tour de la présidentielle anticipée qui verra s’affronter le 15 octobre une candidate socialiste et le fils d’un milliardaire magnat de la banane.

    Dimanche, dans une autre consultation, locale celle-là, les habitants du district métropolitain de Quito ont voté à 68 % pour l’arrêt de l’exploitation minière dans six petites villes de la périphérie de la capitale, dans le territoire du Choco Andino, 287 000 hectares de forêts, déclaré réserve de biosphère par l’Unesco. La zone est souvent décrite comme « le poumon de Quito » et abrite notamment l’ours des Andes.

     


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  • Un revers pour les membres de la communauté masaï en Tanzanie

    La Cour de justice d’Afrique de l’Est, basée à Arusha, a débouté vendredi 30 septembre 2022 le recours de la communauté masaï déposé il y a 5 ans. Les Masaï accusaient le gouvernement tanzanien d’avoir expulsé illégalement et violemment en 2017 plusieurs milliers d’entre eux de leurs terres ancestrales. Ce jugement était d’autant plus attendu que ce conflit qui dure depuis des décennies a donné lieu en juin à des affrontements violents entre la police et les communautés de Loliondo, aux abords du célèbre parc national de Serengeti.

    Les Masaï accusent le gouvernement de vouloir les déplacer pour pouvoir organiser des safaris et des parties de chasse dans cette région, l'une des plus touristiques d'Afrique de l'Est. Les autorités tanzaniennes rejettent de leur côté ces accusations, arguant que la population croissante des Masaï y empiète sur la faune et la flore et qu'elles doivent « protéger » près de 1 500 km2 de l'activité humaine. Donald Deya, l’un des avocats de la communauté Masaï dans cette procédure, juge la décision rendue vendredi « ridicule » et « décevante ». ll promet de faire appel.

    Des dizaines de milliers d'expulsions

    « Ils disent que nous n’avons pas apporté suffisamment de preuves que les personnes expulsées en 2017 et blessées l’ont été sur leurs terres, dans leurs villages, et non pas à l’intérieur du parc. Ils reconnaissent que ces terres sont indépendantes, mais ils ont choisi de croire le gouvernement selon lequel les personnes qui ont été blessées se trouvaient donc illégalement à l'intérieur du parc national. Mais c’est totalement ridicule puisque ce parc est extrêmement surveillé. C’est un travail médiocre de la part des juges. Ce verdict est injuste, décevant. Il ne respecte même pas les standards de la Cour. La décision intérimaire de 2018 faisait 37 pages, les juges avaient analysé les preuves apportées par chacune des parties. Mais cette fois, la cour s’est contentée de résumer les éléments et preuves des deux parties. Et de dire : "Voilà nous croyons le camp adverse", sans expliquer clairement pourquoi, comme devrait le faire une cour de justice. »

    En juin 2022, neuf experts indépendants des Nations unies ont dénoncé le projet des autorités tanzaniennes visant à transformer 1 500 km2, sur les 4 000 qui composent la zone contrôlée de Loliondo, en aire réservée aux safaris, à la chasse aux trophées et à la conservation. Selon eux, cette « sanctuarisation » entraînerait l’expulsion des 70 000 habitants de quatre villages.


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  • Brésil : mort de l'homme des trous

    On ne connait ni son nom, ni sa langue, ni son ethnie, ni sa religion. On estime seulement qu'il avait une soixantaine d'années, chassait avec un arc et des flèches et portait des sortes de pagnes.

    Son environnement nous en apprend plus sur lui. Fiona Watson, chercheuse à Survival International, a pu se rendre dans son lieu de vie en 2005 dans le cadre d'une expédition de suivi. Il s'agissait d'aller repérer des signes de vie et s'assurer qu'il n'avait pas été attaqué : "Dans la forêt, on pouvait sentir sa présence partout. J'ai vu certains des trous qu'il avait creusés dans la terre. Des trous de deux mètres de profondeur, qu'on pense qu'il utilisait pour chasser puisqu'il y avait des pointes de flèches acérées au fond, raconte-t-elle, c'était incroyable de pouvoir pénétrer dans son jardin, dans lequel il faisait pousser beaucoup de nourriture, du manioc, des papayers…C'était pour moi un symbole incroyable de vie en autarcie".

     

    Qu'est-ce qu'un peuple non contacté ?

    L'"homme du trou" a toujours refusé le contact avec le reste des hommes. Même la Funai, qui lui fournissait régulièrement des outils et de la nourriture de loin, et a fait le choix de respecter son désir d'isolement, n'est jamais entrée en contact avec lui. Cette vie complètement coupée de toute communication étonne, et contraste avec notre monde contemporain hyperconnecté.

    Selon la Funai, plus de 100 groupes autochtones isolés, sans contact avec le reste du monde, auraient été détectés au Brésil. Une évaluation qui varie cependant selon les rapports.

    Ces peuples vivent en autarcie totale, mais ils sont parfaitement conscients qu'il existe un autre monde autour d'eux. Ils voient les avions voler au dessus de leur tête et les bulldozer raser des pans de forêt. Ils sont aussi en lien avec les peuples voisins. "Ils ne vivent pas dans un bulle" rappelle Fiona Watson, de Survival International, "c_'est très important pour leur survie qu'ils sachent ce qu'il se passe autour et surtout dans leur territoire. Un grand nombre de ces peuples a été forcé de fuir. Donc ils ont dû se réfugier toujours plus loin, le long du fleuve Amazone_."

    Des peuples menacés par la déforestation

    En Amazonie, les peuples autochtones de la forêt sont menacés par l'exploitation illégale et à grande échelle des ressources naturelles dont ils dépendent pour leur survie. Tout le peuple de l'"homme du trou" a été tué, vraisemblablement pour récupérer ses terres. Un phénomène que l'ONG Survival International qualifie de génocide.

    Pour protéger la forêt et les peuple autochtones qui y vivent, le gouvernement brésilien a mis en place des ordonnances de protection des terres, qui doivent être renouvelées au bout de quelques années. Celles-ci permettent d'interdire l'accès à la forêt aux bûcherons, aux mineurs et à toute personne qui souhaiterait affecter l'environnement. Une ordonnance avait été placée sur la terre de l'homme du trou jusqu'en 2025, mais à partir de ce moment-là, elle risque d'être récupérée par des exploitants agricoles.

    "J'espère que sa terre sera préservée, d'une part pour honorer la mémoire de cette personne extraordinaire, explique Fiona Watson, d'autre part parce que c'est une terre inestimable, un morceau encore intact de forêt amazonienne. Tout autour, la forêt a été complètement détruite, il n'y a que des exploitations bovines et des champs de soja".

    "Nous ferons en sorte que ce qu'il reste de forêt dans le territoire indigène de Tanaru soit préservé en mémoire de la triste histoire d'un peuple violemment condamné à la disparition." s'engage l'oranisation OPI sur Twitter

    L'observatoire des droits humains des peuples indigènes isolés et récemment contactés (OPI), une organisation composée de nombreux anciens membres du Funai, demande à ce que le territoire de l'homme soit fermé le temps que des études archéologiques et anthropologiques soient menées. Ils demandent aussi à ce que le territoire soit préservé en tant que lieu mémoriel.

    Que vont changer les élections brésiliennes pour les peuples autochtones d'Amazonie ?

    La question de la préservation de l'Amazonie occupe déjà une place importante dans les débats en vue de l'élection présidentielle brésilienne du 2 octobre prochain. Jair Bolsonaro est sous le feu des critiques des associations environnementales depuis son arrivée au pouvoir pour avoir détricoté des lois de protection de la forêt.

    "Si Jair Bolsonaro emporte l'élection, la situation risque encore d'empirer pour les peuples autochtones de l'Amazonie" s'inquiète Fiona Watson.

    L'autre favori de l'élection, Lula, a fait de la protection de l'Amazonie un de ses arguments de campagne, et a promis de créer un ministère aux affaires indigènes, avec un autochtone à sa tête.

    D'après le recensement de 2010, plus de 800 000 personnes se déclarent autochtones au Brésil, immense pays de 212 millions d'habitants.

     


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  • En Tanzanie, la relocalisation contestée de familles masaï au nom de la défense de la faune

    Bien que vivant depuis plus d'un siècle dans le cratère de Ngorongoro, les autorités tanzaniennes estiment désormais que la population croissante des communautés masaï est devenue une menace pour la faune sauvage et lancent un programme de relocalisation volontaire.

    De premières familles de Masaï ont quitté, jeudi 16 juin, la réserve naturelle de Ngorongoro, dans le cadre d'un programme de relocalisation volontaire lancé par le gouvernement tanzanien, mais qualifié d'« expulsions » par des militants des droits de l'homme.

    Une vingtaine de familles ont quitté les lieux jeudi, sur les 296 qui ont accepté d'aller vivre dans la région de Handeni, à 600 kilomètres au sud, affirme le préfet de la région d'Arusha, John Mongella.

    « Il n'y a pas d'expulsion ici, toutes les personnes qui partent se sont inscrites volontairement et le gouvernement les aide », insiste-t-il. Ces familles sont les premières d'un groupe de 296 à avoir accepté ce que les autorités appellent une « relocalisation volontaire ».

    « Ngorongoro est en train de se perdre »

    Depuis 1959, la population vivant à Ngorongoro est passée de 8 000 à plus de 100 000, tandis que le cheptel de bétail est, lui, passé d'environ 260 000 têtes en 2017, à plus d'un million aujourd'hui. À tel point que les troupeaux concurrencent la faune sauvage, assurent les autorités. Si bien que la présidente Samia Suluhu Hassan avait déclaré l'an dernier que le « Ngorongoro est en train de se perdre ».

    Le gouvernement assume donc de vouloir protéger le parc national, mais les conditions de ces départs sont critiquées par des défenseurs locaux des droits humains, et par des ONG internationales, qui dénoncent des « expulsions ».

    La revendication a tourné à l'émeute vendredi 10 juin à Loliondo, à 125 km au nord de Ngorongoro. Un policier a été tué et une trentaine de manifestants Masaï ont été blessés par les tirs des forces de sécurité. Peu de temps après l'annonce des affrontements, le Premier ministre Kassim Majaliwa a assuré devant le Parlement qu'« aucune expulsion n'est prévue à Loliondo ».

    « Expulsion forcée »

    Malgré les assurances du gouvernement tanzanien, les experts de l'ONU se disent toutefois, « préoccupés par les projets de la Tanzanie visant à déplacer près de 150 000 Massaï de la réserve naturelle de Ngorongoro et de Loliondo sans leur consentement libre, préalable et éclairé » dans un communiqué publié mercredi.

    Cela (...) pourrait s'apparenter à une dépossession, une expulsion forcée et un déplacement arbitraire interdits par le droit international.

    Amnesty International qualifie l'opération à Loliondo d'« expulsion forcée illégale », « choquante à la fois par son ampleur et sa brutalité ». « Les autorités doivent arrêter l'opération de démarcation et de sécurisation en cours à Loliondo et entamer de véritables consultations avec la communauté », estime l'ONG dans un communiqué.

    En visite à Loliondo mercredi, le ministre des Affaires intérieures, Hamad Masauni, a ordonné à la police de procéder à « une vérification et une enquête sur toutes les ONG opérant » sur place, estimant que « leurs opérations ne doivent en aucune façon perturber la sécurité nationale ». « Le gouvernement prendra des mesures fortes contre toutes les ONG qui violent les règles », ajoute-t-il.


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  • À Collipulli - « les terres colorées » en mapudungun, la langue du peuple autochtone Mapuche - des chiots errants, couverts de cette terre ocre et rouge, jouent au milieu d'un immense terrain où stationnent grues, tracteurs et machines en tout genre. La plupart de ces engins ont été incendiés et sont hors d'usage. Un employé est venu chercher un pick-up 4×4 - l'un des modèles de voiture les plus répandus au Chili -, tandis que Yasna Navarrete et son père Juan constatent les derniers dégâts dans leur entreprise, Sefomec. « Au total, on nous a brûlé 45 engins » , explique Juan Navarrete. « Plus personne ne veut nous assurer » , ajoute sa fille de 34 ans, aux mains noircies par le cambouis. Ces attaques sont « souvent accompagnées de lettres anonymes revendiquant la cause mapuche » , assure-t-elle.

    Dans le sud du Chili, à 600 kilomètres de Santiago, la localité rurale de Collipulli est l'épicentre du conflit entre le peuple Mapuche ( « peuple de la terre » en mapudungun) les sociétés forestières et agricoles ainsi que l'État chilien. L'Araucanie est une région qui s'étend sur un peu plus de 31 000 kilomètres carrés, entre volcans aux cratères enneigés, lacs et forêts de pins, d'eucalyptus et d'araucarias. C'est ici que vit la majorité des Mapuches du Chili - 1,7 million de personnes, soit 9,9 % de la population totale selon le dernier recensement. Ce peuple tente de récupérer son territoire conquis lors de la « pacification de l'Araucanie » dans la seconde moitié du XIXe siècle.

    En sus de ses machines, Juan Navarrete possède 600 hectares de terres agricoles. « Cette année, je n'ai rien pu semer , soupire-t-il. Les Mapuches occupent mes champs. » Yasna se dirige vers sa voiture et en sort un casque en fonte et un gilet pare-balles qui monte jusqu'au cou « pour rester en vie en cas d'attaque » . « Ici, la terreur règne » , lâche-t-elle. Yasna et son père ont reçu une aide du programme pour les victimes de violence rurale en Araucanie, « insuffisante pour acheter de nouvelles machines » .

    Ce soir-là, un gigantesque embouteillage paralyse des centaines de voitures sur la Panaméricaine, appelée route 5 au Chili. Une voiture calcinée barre le chemin menant à la capitale régionale, Temuco. Les véhicules blindés défilent, militaires encagoulés et armés patrouillent. Le gouvernement a décrété l'état d'urgence le 12 octobre dernier dans quatre provinces - le Biobio, Arauco, Cautin et Malleco - où se trouve Collipulli.

    « Far West chilien »

    En Araucanie, les incendies de machines agricoles et de camions sont fréquents. Ils sont parfois revendiqués par le groupe armé mapuche le plus important de la région, la Coordination Arauco Malleco (CAM). Depuis 2018, au moins neuf écoles rurales ont également été brûlées. En 2020, au moins quatre personnes sont mortes dans des violences, et au moins trois cette année : l'agriculteur et candidat aux élections municipales Orwal Casanova, le Mapuche Jordan Liempi, et le policier Luis Morales. Ce dernier est décédé lors d'une perquisition de plus de 800 policiers contre le trafic de drogue à Temucuicui, une communauté mapuche autonome de 3 000 hectares - le « Far West chilien, sans shérif » , comme l'avait qualifié le journaliste Tomas Mosciatti.

    Aux abords de la ville d'Ercilla, des militaires font le guet. Une fois l'asphalte disparu commence le territoire mapuche. La route de gravats, entrecoupée de ponts de planches en bois, est sinueuse. La canopée des araucarias laisse difficilement passer les rayons du soleil. Victor Queipul, lonko (chef) de la communauté, vit dans une modeste maison en bois « sur un terrain récupéré il y a cinq ans » , assure-t-il, vêtu d'un poncho traditionnel en laine noir et blanc.

    123 000 hectares restitués aux autochtones.

    Dans son jardin trônent les drapeaux mapuches, avec ses bandes horizontales bleue, verte et rouge, et le wunelfe - une étoile à huit branches. Depuis l'instauration de l'état d'urgence, « nous ne pouvons plus vivre tranquillement, la police entre dans nos maisons sans autorisation en effrayant les enfants » , affirme Victor Queipul, intarissable sur « l'injuste répression de l'État chilien » qui les « traite de la pire manière possible. Nous souhaitons le départ de tous les exploitants forestiers du wallmapu (territoire ancestral mapuche) car l'eucalyptus assèche les nappes phréatiques » .

    L'État a restitué, entre 2009 et 2018, 123 000 hectares aux populations autochtones, principalement aux Mapuches. « C'est insuffisant , lance Hernando Silva, codirecteur de l'Observatoire citoyen, une association de défense des droits humains. L'État chilien nie le droit à l'autodétermination des Mapuches, qui ont perdu 90 % de leur territoire ancestral » , poursuit le juriste. De fait, le Chili est le seul pays d'Amérique latine, avec l'Uruguay et le Suriname, à ne pas reconnaître explicitement les droits des peuples autochtones dans sa Constitution. Mais une assemblée - présidée par la Mapuche Elisa Loncon - est en train de rédiger la future carta magna du pays. Hernando Silva y voit « une opportunité historique d'instaurer une relation horizontale entre les peuples, un dialogue et une réparation » .


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  • COP26 : les peuples autochtones plaident pour la préservation de 80% de l’Amazonie

    Le Vénézuélien Gregorio Diaz Mirabal, qui représente 3,5 millions d’autochtones en Amérique du Sud, a insisté le 30 octobre 2021 sur la nécessité de préserver 80% de l’Amazonie, à la veille de l’ouverture à Glasgow (Ecosse) de la COP26, la conférence de l’ONU sur le climat.

    "Nous sommes à la COP26 pour que soit ratifiée notre proposition afin que 80% de l’Amazonie reste vivante", a déclaré M. Diaz Mirabal, lors d’une conférence de presse à Glasgow. Le Vénézuélien est à la tête de la Coordination des organisations autochtones du bassin de l’Amazonie (Coica), qui représente les peuples originaires des neuf pays et territoire (Brésil, Bolivie, Pérou, Equateur, Colombie, Venezuela, Guyana, Surinam et Guyane française) couverts par la plus grande forêt tropicale de la planète.

    Selon Gregorio Diaz Mirabal, "il est nécessaire de maintenir l’équilibre de l’Amazonie garanti par les 511 peuples (autochtones) des neuf pays du bassin amazonien". "Nous sommes l’Amazonie pour la vie, nous sommes le cri de l’air, de l’eau, des créateurs de la forêt, nous sommes là pour obtenir des réponses et des actes de la part des Etats", a ajouté le dirigeant, membre du peuple Wakuenai Kurripaco.

    "Nous devons mettre en œuvre une économie qui valorise toutes les formes de vie, qui soutient les peuples autochtones et garde la forêt debout", a-t-il poursuivi.

    La forêt amazonienne représente 8,4 millions de km2 et abrite 20% de l’eau douce de la planète. Dans un entretien à l’AFP, le dirigeant avait rappelé que 17% de la forêt avait déjà été anéantie par l’exploitation du pétrole et des minerais, la pollution et la déforestation pour l’agriculture et l’élevage.

     


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  • Des milliers d’indigènes se mobilisent contre Jair Bolsonaro

    Pour quelques jours, Brasilia a été investie par des milliers d’indigènes, qui protestent contre le président. Ils lui reprochent de légitimer la violence contre eux.

    Des milliers d’indigènes du Brésil, coiffes à plumes et tenues traditionnelles, se sont retrouvés, lundi 23 août 2021, en plein cœur de Brasilia, pour une semaine de mobilisation contre la politique du président Jair Bolsonaro, qu’ils accusent de menacer leurs terres ancestrales.

    Des indigènes avaient commencé à installer dès dimanche, à l’appel de la Coordination des peuples indigènes du Brésil (APIB), un campement de tentes de «Lutte pour la vie», où doivent se dérouler, jusqu’à la fin de la semaine, des «manifestations contre la politique anti-indigène» de Bolsonaro.

    Dans le calme

    Lundi matin, les membres de nombreuses ethnies aux tenues chatoyantes, beaucoup le corps peint, se sont retrouvés dans le calme près des sièges modernistes du pouvoir de la capitale – présidence, congrès et Cour suprême –, chantant et dansant. La présence policière était faible. En juin dernier, déjà dans la capitale, des manifestations d’indigènes pour leurs terres avaient entraîné des heurts entre une centaine d’autochtones et la police. Trois manifestants avaient été blessés, de même que trois policiers, ces derniers par des flèches.

    Les indigènes – qui étaient 4000, lundi en fin de matinée, de 117 ethnies différentes, selon l’APIB – comptent faire pression jusqu’à dimanche contre divers projets de loi qui, selon eux, menacent gravement leurs droits et leurs terres ancestrales, et particulièrement un jugement crucial de la Cour suprême.

    La «thèse temporelle», cœur du problème

    Au cœur des inquiétudes, le projet de loi 490 (PL-490), soutenu par le gouvernement du président d’extrême droite et ses alliés, qui doit aller devant le Congrès. La question la plus polémique en est la «thèse temporelle», qui ne reconnaît comme ancestrales que les terres qui étaient occupées par les indigènes quand a été promulguée la Constitution, en 1988.

    Or de nombreuses tribus ont été déplacées lors des soubresauts de l’histoire brésilienne, notamment sous le régime militaire (1964-1985). De retour sur leurs terres, elles réclament la protection du statut accordé aux réserves, auquel est opposé le puissant lobby brésilien de l’agronégoce.

    Jugement crucial mercredi

    Mercredi sera une journée cruciale. Les indigènes ont prévu de marcher jusqu’à la Cour suprême, au moment où celle-ci commencera à siéger pour décider si la «thèse temporelle» s’applique à une réserve de l’État de Santa Catarina (sud). Ce jugement affectera des dizaines de territoires objets de litige depuis des années.

    C’est un thème «important, parce que divers secteurs au Brésil cherchent à empêcher la démarcation des terres indigènes, y compris dans des lieux où ils se trouvaient déjà», explique Juliana de Paula Batista, avocate de l’Institut socio-environnemental, qui défend les droits des peuples autochtones.

    «Si la Cour suprême accepte la thèse temporelle, cela pourrait légitimer la violence contre les peuples indigènes et exacerber les conflits dans la forêt amazonienne et d’autres régions», a averti Francisco Cali Tzay, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits des peuples indigènes.

    Bolsonaro veut ouvrir les terres indigènes

    Jair Bolsonaro soutient par ailleurs un projet de loi qui ouvrirait les terres indigènes, déjà touchées gravement par la déforestation et la prospection minière illégale, à l’exploitation des ressources naturelles. Ces terres sont situées majoritairement dans neuf États amazoniens du Brésil et essentielles pour la préservation de l’environnement.

    Deux autres propositions de loi sont décriées comme étant des «PL des invasions» par les indigènes et défenseurs de l’environnement. L’une prône la régularisation des occupations illégales de terres par des orpailleurs, bûcherons ou éleveurs.

    L’invasion favorise la propagation du coronavirus

    Les 900’000 indigènes du Brésil représentent 0,5% des 212 millions d’habitants, et leurs terres s’étendent sur 13% du territoire de l’immense pays. Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, ils n’ont eu de cesse de dénoncer des invasions de leurs terres – qui ont par ailleurs favorisé la propagation du Covid-19 parmi des populations au système immunitaire fragile –, ainsi que des violences et des atteintes à leurs droits.

    En janvier dernier, le cacique Raoni Metuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, qui a notamment reçu l’appui du chanteur Sting, avait déjà demandé à la Cour pénale internationale d’enquêter pour «crimes contre l’humanité» contre Bolsonaro, accusé de «persécuter» les peuples autochtones en détruisant leur habitat et en bafouant leurs droits fondamentaux.


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  • En 1908, le gouvernement américain a fait main basse sur 7 300 hectares de terres qui appartenaient aux tribus confédérées Salish et Kootenai, dans le but de créer le National Bison Range au coeur de leur réserve, dans l'ouest du Montana.

    Si l'objectif de protéger les derniers bisons d'Amérique était louable, ce parc fédéral n'en est pas moins depuis un siècle, aux yeux des tribus, le symbole des injustices commises par le gouvernement à leur encontre. Elles ont mené un combat de longue haleine pour que leur soit restituée cette zone de pâturage. En décembre 2020, leur patience a été enfin récompensée : Donald Trump a promulgué une loi ouvrant la procédure de rétrocession des terres en question aux Salish et aux Kootenai.

    Désormais, ce sont donc les tribus qui s'occupent des bisons et qui participent, dans le cadre d'un régime de cogestion, à la surveillance de ceux qui s'écartent du parc national de Yellowstone pour aller paître dans les zones administrées par le Service américain des forêts. Le mode de gestion des Amérindiens est marqué par une proximité presque familière avec cet animal qui leur permettait naguère de se nourrir, de se vêtir et de s'abriter - soit à peu près tout ce dont leur peuple avait besoin.

    "Nous stressons moins les bisons et nous les traitons avec plus de respect", fait remarquer Tom Mcdonald, responsable de la gestion des ressources halieutiques et fauniques des tribus et lui-même amérindien. Les tribus sont conscientes de l'importance des liens familiaux au sein des troupeaux et laissent donc les bisons ensemble :

    C'est un virage à 180 degrés par rapport à la mentalité de rodéo que l'on voyait par ici, où ils se précipitaient sur les animaux en semant la panique. C'était vraiment la méthode brutale."

    Synergie avec l'écologie

    On voit actuellement monter un mouvement visant à restituer certaines terres à haute valeur culturelle et environnementale à leurs anciens propriétaires, les peuples autochtones et les anciens habitants de ces régions, ou, a minima, à tenir compte de leur point de vue et les faire participer à la gestion des terres, de la faune et de la flore.

    À travers tous les États-Unis, des terres sont ainsi rétrocédées aux tribus ou proposées à la cogestion. En Californie, une fiducie foncière vient de restituer 485 hectares de prairies et de forêts de séquoias à la tribu des Esselen. Dans le Maine, les cinq tribus de la confédération Wabanaki viennent de reprendre possession d'une île de 60 hectares avec l'aide de fiducies foncières. D'autres rétrocessions ont eu lieu récemment dans l'Oregon, dans l'État de New York et ailleurs.

    De plus en plus, les écologistes voient dans ces modes de gestion ancestraux - fruits de plusieurs siècles de cultures en immersion dans la nature - une forme de synergie avec le mouvement mondial visant à protéger la biodiversité et à gérer le milieu naturel de manière à nous prémunir contre le dérèglement climatique.

    La Nature Conservancy, une des plus grandes associations de protection de l'environnement, vient d'institutionnaliser la rétrocession de terres à haute valeur environnementale dans le cadre de son programme "Peuples autochtones et populations locales", à la fois aux États-Unis et dans le reste du monde.

    L'exemple australien

    "Si vous regardez les choses sous l'angle de la justice foncière, nous devons les aider à retisser cette relation [avec les terres de leurs ancêtres]", observe Erin Myers Madeira, directrice du programme de Nature Conservancy.

    Les Amérindiens ont été de facto les premiers gestionnaires de toutes les terres et de toutes les rivières d'Amérique du Nord, et ils sont les dépositaires de savoirs et de pratiques qui remontent à des millénaires."

    Une des plus importantes procédures de rétrocession achevées à ce jour a commencé voilà huit ans en Australie, où les gouvernements fédéral et locaux ont acquis 19 domaines agricoles et les droits d'eau afférents pour la somme de 180 millions de dollars [152 millions d'euros], dans la vallée de Lower Murrumbidgee, en Nouvelle-Galles du Sud. L'objectif était de restaurer les grandes zones humides - foisonnant d'oiseaux, de poissons et autres - qui avaient souffert du drainage agricole intensif. Les parties concernées ont été invitées à soumettre leurs propositions pour la gestion de ce qu'on appelait alors "les marais de Nimmie-Caira". C'est une entité composée de la Nature Conservancy et du conseil tribal des Nari Nari, le peuple autochtone qui habitait la région depuis 50 000 ans, qui a obtenu le droit d'administrer la zone en question.

    Les anciens systèmes d'irrigation ont été supprimés ou modifiés pour rétablir le régime hydrologique traditionnel, plus naturel. La renaturation des premiers cours d'eau date de 2018, et des espèces telles que la perche dorée et la rainette Dryopsophus raniformis, ainsi que la spatule, l'aigrette ou le cygne noir y ont refait leur apparition en nombre. Les Nari Nari ont retrouvé et protégé les sépultures de leurs ancêtres et d'autres sites culturels et chassé de la zone plusieurs espèces invasives, notamment les cochons sauvages, les cervidés, les chats et les renards.

    Un lien intime avec la nature

    En 2019, la Nature Conservancy a rétrocédé les plus de 80 000 hectares de la zone de Nimmie-Caira aux seuls Nari Nari, qui la gèrent désormais. Ces derniers l'ont rebaptisée "Gayini", un terme qui signifie "eau" dans leur langue. "C'est un événement de taille pour les Nari Nari, qui utilisent leur savoir traditionnel pour préserver ces paysages depuis des milliers d'années, confie Ian Woods, chef de la tribu des Nari Nari. Cela nous permet de continuer à protéger l'environnement, à préserver l'héritage aborigène et à favoriser la transmission du savoir entre les générations."

    Il est difficile de s'y retrouver dans les différentes conceptions de la nature et de la faune sauvage des peuples autochtones et dans les différentes interactions qu'ils peuvent avoir avec elles, mais il est évident que leurs vies sont intimement liées au monde naturel. Dans un rapport qui vient d'être publié, deux chercheurs du Service américain des forêts, David Flores et Gregory Russell, avancent une hypothèse pour expliquer les différences de conception de la nature entre Européens et Amérindiens. Les peuples autochtones ont une approche holistique et "voient dans les animaux et les éléments du paysage des caractéristiques qu'un esprit occidental associera traditionnellement à un être humain, par exemple le fait d'avoir des opinions, d'intervenir, d'engager un dialogue".

    Compte tenu de cette relation et de ces affinités avec les autres espèces, mais aussi avec la terre elle-même, les gestionnaires de ressources doivent consulter les anciens des tribus afin de préserver ce lien culturel avec la nature. Ce qui comprend la pratique traditionnelle des brûlis raisonnés servant à gérer à la fois les bisons et les paysages. "Les bisons raffolent des jeunes pousses après les écobuages, explique Tom Mcdonald. Ils sentent l'odeur de cette délicieuse herbe tendre qui sort du sol noirci par les flammes."

    Des brûlis pour limiter les grands incendies

    Au chapitre des savoirs traditionnels, la pratique de l'écobuage est sans doute celle qui fait couler le plus d'encre en ce moment, en raison des incendies dantesques qui ont ravagé l'ouest américain. En plus de leur rôle "sanitaire" permettant de garder la main sur les habitats de la faune sauvage et les forêts, d'accroître la résilience du milieu ou de faire pousser certaines essences utiles, par exemple pour la fabrication de paniers ou l'alimentation, les écobuages traditionnels planifiés contribuent efficacement à réduire l'intensité des incendies. Une étude récente révèle ainsi que les pratiques des autochtones dans les forêts entourant le Jemez Pueblo, au Nouveau-Mexique - essentiellement des petits brûlis tout au long de l'année et la collecte du bois dans les zones habitées - permettent de ralentir efficacement les incendies de très forte intensité.

    La tendance actuelle consistant à associer plus étroitement les autochtones à la gestion des terres ne se limite pas à l'attribution de titres de propriété. Sous Barack Obama, le gouvernement avait prévu que le site de Bears Ears, dans l'Utah, qui regorge de lieux sacrés pour les Amérindiens, serait cogéré par le ministère de l'Intérieur [qui gère l'essentiel des terres appartenant à l'État fédéral] et une coalition composée de cinq tribus. [Une politique remise en cause par son successeur, Donald Trump, qui a réduit de 85 % la zone protégée créée par Obama à la demande des tribus indiennes].

    Aujourd'hui, avec l'arrivée de l'Amérindienne Deb Haaland à la tête du ministère de l'Intérieur, les programmes de cogestion devraient se multiplier, même s'il ne s'agit pas de rétrocessions à proprement parler. Joe Biden s'est engagé à écouter les tribus amérindiennes et à travailler avec elles, à l'heure où il propose de protéger davantage de terres appartenant à l'État et, surtout, de tenir sa promesse de mettre sous protection 30 % des États-Unis à l'horizon 2030, dans le cadre de son programme baptisé "30 x 30".

    Le dernier refuge pour la chasse de subsistance

    D'autres pays ont engagé des projets semblables. Au Canada, par exemple, le gouvernement fédéral s'est associé à l'association inuit Qikiqtani pour cogérer la réserve marine nationale de Tallurutiup Imanga et la zone marine protégée de Tuvaijuittuq, au Nunavut, qui couvre l'essentiel du nord canadien. En dialecte autochtone, tuvaijuittuq veut dire "la dernière zone prise par les glaces", c'est l'endroit où les dernières glaces de l'Arctique sont les plus épaisses et devraient résister le plus longtemps au réchauffement climatique. Ce pourrait donc être le dernier refuge des ours polaires, des phoques, des narvals, des morses et autres bélugas, ainsi que des algues qui vivent sous les glaces et qui constituent la base de la chaîne alimentaire dans l'Arctique. Ce pourrait être aussi le dernier refuge des chasseurs qui pratiquent la chasse de subsistance dans un climat qui se réchauffe.

    Des partenariats locaux commencent également à émerger. A l'initiative de plusieurs dizaines de fiducies foncières et de cinq tribus de la confédération Wabanaki, le programme First Light a pour objet de rétablir l'accès à des territoires de chasse, de cueillette et de rituels dans le Maine. Ce projet comprend une île de 60 hectares que les colons européens avaient accaparée et que la tribu Passamaquoddy nomme "Pine Island". Et, en mai dernier, l'institut Open Space de New York a rétrocédé 63 hectares situés le long de l'Hudson aux Stockbridge-Munsee, de la Nation mohican, qui en feront une réserve naturelle.

    En Californie, la tribu des Esselen, qui vivait à Big Sur depuis des milliers d'années, a été dépossédée de sa culture et de ses terres par les Espagnols, qui ont implanté des missions dans la région. La Western Rivers Conservancy, avec le soutien financier de l'Agence californienne pour les ressources naturelles, a pu racheter un ranch de 485 hectares composés de forêts de séquoias et d'une rivière cristalline, la Little Sur, zone de frai de la truite arc-en-ciel, en vue de protéger l'endroit et d'en faire don au Service américain des forêts. Des habitants s'y sont opposés et, l'année dernière, les terres, estimées à 4,5 millions de dollars [3,8 millions d'euros], ont été rétrocédées aux Esselen - deux cent cinquante ans après leur confiscation. La tribu en protégera les ressources naturelles, dont la truite arc-en-ciel, la chouette tachetée de Californie, le condor de Californie (une espèce menacée), et y pratiquera ses cérémonies traditionnelles et la cueillette sauvage.Cette vogue de rétrocessions de terres aux Amérindiens ou, à défaut, de cogestion s'inscrit dans le mouvement actuel pour l'égalité raciale. Dans la communauté amérindienne, le phénomène est baptisé #Landback ["restitution", voir encadré ci-dessous].

    Restent certaines inquiétudes sur les risques possibles d'une gestion par les tribus. Autoriseront-elles la chasse dans les endroits où la tradition l'interdit ? Des changements dans les administrations tribales ne risquent-ils pas de réduire le niveau de protection des terres à haute valeur environnementale ?

    Quelques tribus en contre-modèle

    La gestion des ressources naturelles par les Salish et les Kootenai leur a valu des éloges. Les deux tribus ont créé la première réserve sauvage tribale du pays, la Mission Mountain Wilderness Area, dont elles interdisent chaque année 4 000 hectares à la fréquentation humaine afin de permettre aux grizzlys - un animal totem - de se repaître en été des coccinelles et de papillons de nuit de l'espèce Euxoa auxiliaris, qui abondent en altitude.

    Mais on trouve aussi plusieurs exemples de tribus qui exploitent les ressources naturelles. Après un combat de plusieurs décennies pour faire annuler des concessions pétrolières et gazières dans les secteurs de Badger-Two Medicine et de Rocky Mountain Front, dans le Montana, un projet de loi a été déposé au Congrès pour autoriser les Blackfeet à cogérer le secteur de Badger-Two Medicine, qui fait partie de la forêt classée Lewis and Clark et dont le "patrimoine culturel" a été reconnu. Fin connaisseur de la zone, George Wuerthner constate que la réserve des Blackfeet, près de Badger-Two Medicine, est loin d'être un modèle, évoquant, outre les nombreuses concessions accordées pour des forages pétroliers ou la fracturation hydraulique, le surpâturage pratiqué dans les ripisylves et le braconnage, notamment du grizzly.

    De leur côté, les partisans de la rétrocession de terres sauvages aux peuples autochtones pointent un nombre croissant d'études qui démontrent l'efficacité de leur gestion. Par exemple, une étude publiée l'année dernière par l'Université de Colombie-Britannique a conclu que les terres administrées par les peuples autochtones en Australie, au Brésil et au Canada abritent davantage d'espèces de vertébrés que les réserves naturelles existantes. "Dans l'ensemble, les méthodes des peuples autochtones se sont avérées bien plus efficaces que celles des Occidentaux", observe Brian O'Donnell, de la Wyss Foundation.

    Si on épouse le point de vue des peuples autochtones, qu'on en tire des enseignements et qu'on s'en sert comme modèle pour nos politiques environnementales à venir, je pense qu'on s'en trouvera beaucoup mieux."

    Jim RobbinsLire l'article originalRétrocéder les parcs nationaux aux Amérindiens

    Certains membres du mouvement Landback, qui milite pour la restitution des terres aux Amérindiens, défendent des formes de "réparations" radicales. Dans un article très remarqué récemment publié dans le magazine The Atlantic, l'écrivain amérindien David Treuer revient ainsi sur la longue liste des expulsions forcées et des traités rompus qui ont permis la création des parcs nationaux américains. Il propose d'inverser l'histoire et de confier la responsabilité des 35 millions d'hectares des parcs nationaux américains à un consortium de tribus indiennes à titre de réparation pour les terres dont elles ont été dépossédées. En contrepartie, celles-ci devraient s'engager à respecter des clauses contraignantes sur la protection des ressources naturelles.

    SourceYale Environment 360

    New Havene360.yale.edu Ce webzine, publié par l'université Yale, est très prolixe en débats, reportages, opinions et analyses sur toutes les questions environnementales. Parmi les intervenants, des journalistes, des scientifiques, mais aussi des politiques et des [...]


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    Un projet de loi autorisant l'exploitation minière et agricole des terres indigènes a été validé par le président brésilien.

    Le président brésilien Jair Bolsonaro a donné son feu vert mercredi 3 juin 2020 à un projet de loi visant à autoriser notamment l'exploitation minière et agricole sur les territoires réservés aux indigènes. Le nouveau texte, qui n'a pas encore a été rendu public, sera soumis prochainement au vote du Congrès.

    «J'espère que ce rêve va se concrétiser», a déclaré le chef de l'État lors d'une cérémonie officielle à Brasilia lors de laquelle il a apposé sa signature sur le projet de loi rédigé par le gouvernement. «Les indigènes sont des êtres humains comme nous, ils ont un coeur, des sentiments, des désirs, et des nécessités. Ils sont aussi Brésiliens que nous», a-t-il poursuivi. À l'issue d'une grande réunion d'une semaine au Mato Grosso (ouest) à la mi janvier, plusieurs centaines de leaders indigènes avaient dénoncé dans un manifeste un «projet de génocide, ethnocide et écocide».

    Le projet de loi prévoit de réguler une série d'activités économiques sur les territoires indigènes, autorisant ainsi l'exploration minière ou pétrolière, les barrages hydroélectriques ou l'agriculture. La législation actuelle interdit toute exploration minière ou exploitation agricole non traditionnelle. Si le projet de loi est approuvé, ces activités pourront être pratiquées par les indigènes eux-mêmes, ou des personnes venues de l'extérieur, sous réserve d'une autorisation des communautés autochtones.

     

    Promesse de campagne

    L'ouverture aux activités économiques des terres indigènes faisait partie des promesses de campagne du président d'extrême droite, ce qui a accru ces derniers mois, selon des représentants de ces communautés indigènes et d'ONG, la violence et la pression des entreprises minières et d'exploitation du bois en Amazonie.

    «Ce grand pas en avant dépend du Parlement, qui va subir des pressions des écologistes. Si je pouvais, j'aimerais confiner ces écologistes au beau milieu de l'Amazonie (...) pour qu'ils arrêtent d'embêter les peuples amazoniens depuis la ville», a ironisé Jair Bolsonaro. Ce projet est défendu de longue date par le président d'extrême droite, qui a déclaré à plusieurs reprises que les restrictions aux activités minières et agricoles dans leurs territoires condamnaient les indigènes à être «confinés comme dans un zoo».

    Le gouvernement dit avoir le soutien de nombreux leaders indigènes. Mais de nombreux caciques comme l'emblématique Raoni Metuktire n'ont cessé de critiquer cette politique environnementale qui menace selon eux leur mode de vie traditionnel, mais aussi l'équilibre écologique de toute la planète.

     


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  • Quelle honte!!

    Vêtus d'un pagne et armés de fusils, des nomades chassent au milieu de palmiers à huile sur l'île de Sumatra. Maigres, ces hommes à la peau hâlée cherchent désespérément du gibier dans une forêt tropicale dévastée par les coupes de bois qui ruinent l'existence des tribus en Indonésie.

    L'Indonésie est le premier producteur mondial d'huile de palme, une industrie qui encourage la déforestation et pèse de plus en plus sur le mode de vie traditionnel des nomades.

    Alors à deux heures de route de ce terrain de chasse, environ 200 nomades sur les 3.500 de la tribu des «Orang Rimba» viennent de changer de vie: ils se sont sédentarisés... et convertis à l'islam, religion majoritaire dans ce pays d'Asie du Sud-Est. Ces nomades avaient été approchés par une ONG islamique et des représentants des autorités indonésiennes qui encouragent les membres de tribus à se sédentariser, afin de faciliter l'aide et le recensement. Or pour obtenir une carte d'identité ouvrant droit à l'aide publique en Indonésie, toute personne doit déclarer une religion. Ce qui, dans le pays musulman le plus peuplé au monde, explique largement la conversion à l'islam des peuples indigènes, presque tous animistes au départ.

    Depuis janvier, ces 200 «Orang Rimba» vivent dans le district de Batang Hari, situé dans la province de Jambi. Assis dans une hutte sur pilotis, des enfants portant des calottes de musulmans et des hijabs y récitent le Coran. «Dieu merci, l'Etat prête maintenant attention à nous, alors qu'avant notre conversion, il nous ignorait», raconte Muhammad Yusuf, un leader de cette communauté qui reçoit désormais de la nourriture et des vêtements.

    Un choix désespéré

    L'initiative de ces «Orang Rimba» -qui signifie «habitants de la jungle- est en réalité un choix désespéré mettant en exergue l'échec du gouvernement à défendre les nomades, estiment des défenseurs des droits des peuples indigènes.

    Des défenseurs des droits des populations indigènes, eux, regrettent que même les groupes tribaux qui avaient réussi jusqu'ici à rester nomades soient désormais tentés de renoncer à leur mode de vie, en raison des difficultés à survivre dans la nature. »C'est l'échec de l'Etat qui ne sait pas les protéger«, confie à l'AFP Rukka Sombolinggi, secrétaire général de l'organisation de protection des peuples indigènes AMAN, en référence à la déforestation.

    En conséquence, les nomades «se tournent vers des prédicateurs ou l'Eglise dans certaines régions, car ceux-ci leur offrent une protection», dit-elle.

    Les tribus: 70 millions de personnes

    En Indonésie, un archipel de 17.000 îles et îlots qui possède une des plus grandes forêts tropicales de la planète, les tribus représentent environ 70 millions de personnes sur une population totale de 255 millions d'habitants.

    Parmi les tribus les plus connues figurent les Dayaks de l'île de Bornéo, tatoués de la tête au pieds, et les Mentawi, qui aiguisent leurs dents pour paraître plus beaux. Mais les »Orang Rimba« sont un des rares groupes nomades vivant en permanence dans la jungle.

    Yusuf souligne qu'il était de plus en plus difficile de trouver de la nourriture en forêt, et que les conflits opposant des membres de sa tribu à des représentants de sociétés convoitant leurs terres se multipliaient.

    Aujourd'hui, les quelque 200 »Orang Rimba« qui ont renoncé au nomadisme ont changé de vie et d'apparence.

    Ils ont troqué leurs étoffes traditionnelles contre des vêtements offerts par les services de l'Etat et des ONG.

    «C'est plus agréable d'être dans un village comme celui-ci, nous vivons mieux», dit Yusuf. Il a adopté ce nom islamique après être devenu musulman. Auparavant, il s'appelait Nguyup.

    Croyances superstitieuses

    Tous les »Orang Rimba« ne sont cependant pas prêts à franchir le pas. D'autres membres de la tribu vivent toujours dans la jungle. Ils s'abritent sous des bâches en plastique fixées à des tiges en bois et chassent les quelques animaux qu'ils trouvent dans les plantations de palmiers à huile.

    Ils changent d'endroit en moyenne trois fois par mois pour trouver du nouveau gibier et à chaque fois qu'un membre de la tribu meurt, comme l'exigent leurs coutumes. Malgré les conditions de vie difficiles et la malnutrition, ils restent résolument opposés à toute conversion à l'islam et à un mode de vie sédentaire.

    »Selon nos traditions, la conversion n'est pas autorisée«, affirme à l'AFP Mail, le leader du groupe. »Nous craignons d'être capturés par des tigres si nous manquons à notre serment«, dit-il en évoquant des croyances superstitieuses.

    D'autres nomades dans le pays s'étaient déjà convertis au sédentarisme et à l'islam, mais jamais autant en une seule fois. A la grande satisfaction des autorités qui encouragent la vie en société.

    Depuis sa conversion à l'islam, Yusuf dit ressentir une certaine »tranquillité". Mais il avoue que l'adaptation a pris un certain temps. Et sa famille attend toujours de recevoir les papiers d'identité promis...

     


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  • Sortie en salle du Livre de la Jungle : des tribus indiennes menacées d'expulsion

    De nombreux Baiga ont rapporté avoir subi de mauvais traitements de la part de gardes forestiers. Depuis qu’ils ont été expulsés de leurs terres ancestrales, ils vivent dans des conditions d’extrême pauvreté.

    Aux Indes ... (suite)

    © Survival International, 2013

    En Inde, des tribus sont expulsées des terres qui avaient inspiré l’écrivain britannique Rudyard Kipling pour son Livre de la Jungle. Disney en a fait une nouvelle adaptation cinématographique qui sort en salles aujourd’hui. Pourtant, rares sont les spectateurs qui savent qu’au nom de la protection des tigres, les territoires de ces tribus sont transformés en réserves naturelles auxquelles elles sont interdites d’accès. Les touristes, eux, y sont les bienvenus.

       En 2014, des centaines de Baiga et de Gond ont été illégalement expulsés de la réserve de Kanha, le plus grand parc national du centre de l’Inde et source d’inspiration du Livre de la Jungle. En parallèle, le tourisme de masse y est encouragé sous prétexte qu’il s’agit d’un lieu unique qui permet d’observer de nombreux tigres. Mais peu sont ceux qui, parmi les touristes ou les spectateurs allant voir le film d’animation de Disney, sont conscients des violences et des actes d’intimidation infligés aux peuples indigènes de la forêt du Livre de la Jungle.

    Le Département des forêts soutient que les villageois acceptent ces ‘relocalisations volontaires’ mais en réalité ils sont forcés, sous la menace ou à l’aide de pots-de-vin, de les accepter. Certains sont placés dans des camps de relocalisation gouvernementaux tandis que d’autres sont simplement chassés de leurs terres sans aucune autre alternative que celle de vivre dans le dénuement le plus total aux abords de leur territoire.

    Aux Indes ... (suite)

       Sukhdev, un Baiga, a été assassiné parce qu'il tentait d’acheter des terres pour sa famille, après avoir été expulsé en 2014 de son village situé dans la réserve de tigre de Kanha.

    © Survival

    En 2014, suite aux expulsions forcées de la réserve de Kanha, un Baiga a déclaré : ‘Nous avons été l’une des dernières familles à résister mais on nous a forcés à partir. Les agents de la réserve nous ont dit qu’ils s’occuperaient de nous pendant trois ans mais ils n’ont rien fait. Même quand mon frère a été assassiné, personne ne nous a aidés’.

    Un autre a témoigné : ‘Nous sommes perdus – nous errons en quête de terre. Ici, tout n’est que désolation. Nous avons besoin de la forêt’.

    Les villageois de la réserve d’Amrabad sont à nouveau menacés d’expulsion. Ceux de la réserve d’Achanakmar le sont également, malgré leur opposition opiniâtre.

    Les grandes organisations de protection de la nature qui ont soutenu la création de ces réserves naturelles ne se sont jamais prononcées contre ces expulsions. Pourtant, de nombreuses tribus en Inde vénèrent les tigres avec lesquels elles cohabitent depuis des générations. Rien ne prouve que les expulsions assurent la protection des tigres. En réalité, il est plus probable qu’elles aient des conséquences négatives sur eux car les populations locales sont exclues des efforts entrepris pour conserver la faune.

    Les peuples indigènes devraient être impliqués dans les politiques de protection des tigres. Ils sont les gardiens du monde naturel et savent prendre soin de leur environnement. Par exemple, la population de tigres vivant dans la réserve des Soliga – communauté qui n’a pas été expulsée de son territoire – a augmenté, comparée à celles du reste de l’Inde.

    Stephen Corry, directeur de Survival, a déclaré : ‘Nous espérons que ce film permettra d’attirer l’attention sur les abus qui sont actuellement perpétrés à l’encontre des peuples indigènes en Inde, au nom de la protection du tigre. Lorsqu’au XXe siècle la population de tigres a diminué cela n’avait rien à voir avec la présence des tribus à leurs côtés. Cela était dû à une industrialisation rapide et à un massacre de masse commis par des chasseurs britanniques et l’élite indienne. Pourtant, à travers tout le pays, des tribus en paient le prix : elles sont expulsées de leurs terres ancestrales pour laisser place à des milliers de touristes’.

    Lire en ligne: http://www.survivalfrance.org/actu/11210


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  •  Visite de Kate et William dans le parc national Kaziranga : 62 personnes assassinées au nom de la lutte contre le braconnage

    Aux Indes.....

     
      Ces dernières années des dizaines de personnes ont été assassinées pour ‘lutter contre le braconnage’ dans le parc national Kaziranga, Les gardes forestiers bénéficient d'une immunité et ne peuvent être poursuivis.
    © Survival

    Le prince William et Kate Middleton sont actuellement en Inde, en visite dans le parc national Kaziranga. Le parc Kaziranga est une réserve de tigres dont la politique de ‘tirer pour tuer’ a entraîné la mort de 62 personnes en tout juste 9 ans. Ces dernières ont été abattues par des gardes forestiers.

      Le parc national, situé dans l’Etat d’Assam, est devenu tristement célèbre dans tout le pays à cause des exécutions extrajudiciaires qui y sont commises. En effet, des gardes armés exécutent sommairement toute personne soupçonnée de braconnage et les populations locales seraient même payées pour dénoncer les personnes qu’elles soupçonnent d’être impliquées dans des activités de braconnage. Les gardes forestiers bénéficient d’une immunité qui les empêche d’être poursuivis par la justice.

      Cette politique de ‘tirer pour tuer’ a été critiquée par des organisations de protection de la nature car elle encourage la violence au lieu de lutter efficacement contre les réseaux criminels qui organisent le braconnage. Cette politique a été appliquée par Bishan Singh Bonal, l’ancien responsable du parc, qui dirige désormais l’organisme national chargé de la protection des tigres.

        La venue du couple royal au sein de la réserve s’inscrit dans le cadre de sa visite en Inde. Survival International a contacté le prince William, qui parraine plusieurs organisations de protection de la nature, l’exhortant à faire part aux autorités indiennes des préoccupations des tribus concernant les politiques oppressives de protection de la nature.

       Gladson Dungdung, un militant des droits des Adivasis (peuples tribaux indiens), a déclaré: ‘Si le prince visite cette réserve de tigres et – je pense que si il aime les tigres, il devrait aussi aimer les Adivasis, parce qu’on ne peut pas choisir entre les deux. La faune, la forêt et les Adivasis coexistent, donc on doit tous les aimer. Si on souhaite protéger une réserve de tigres, on doit aussi protéger les Adivasis et la forêt pour qu’ils continuent à exister sinon ils ne seront plus là et on ne trouvera plus de tigres non plus’.

    Dans d’autres régions en Inde, les peuples indigènes sont expulsés illégalement de leurs terres ancestrales au nom de la protection du tigre. Ils risquent d’être arrêtés et battus tandis que le tourisme de masse est encouragé.

    Protection de la nature dans les parcs nationaux


       Bardhan Singh a été sévèrement battu par des gardes forestiers dans la réserve de tigres de Kanha qui a inspiré le Livre de la jungle. Dans le monde entier, les peuples indigènes subissent de plus en plus les conséquences de la militarisation des politiques de protection de la faune.
    © Survival

     

     

     

      Les peuples indigènes sont les meilleurs défenseurs de l’environnement et les meilleurs gardiens du monde naturel. Prendre les tribus pour cible détourne l’attention de la lutte contre les véritables braconniers – des gangs criminels qui participent au commerce international illicite de la faune. Les populations tribales sont les ‘yeux et les oreilles’ de la forêt et sont donc les mieux placées pour attraper les braconniers, ou même pour signaler leur présence.

      Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘Cette visite est l’occasion idéale pour le prince William de dénoncer les exécutions sommaires menées au nom de la protection de la nature. Les exécutions extrajudiciaires ne devraient avoir aucune place dans les actions menées pour protéger les tigres. Pourquoi les grandes organisations de protection de la nature ne sont-elles pas celles qui condamnent fermement ce type de violences? Au lieu de cela, elles soutiennent des politiques de conservation de la faune qui portent préjudice aux peuples indigènes et ne font que faciliter la tâche des criminels qui gèrent les réseaux internationaux de braconnage. Prendre les peuples indigènes pour cible détourne l’attention de la lutte contre les véritables braconniers. Cela dessert aussi les efforts mis en œuvre pour protéger la nature’.

    Lire en ligne: http://www.survivalfrance.org/actu/11212 (17/04/2016)


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      José Riva, un ancien député de l'Etat du Mato Grosso au Brésil, a été surnommé 'l'homme le plus corrompu du pays'.

    © Local media

    José Riva, un ancien député de l’Etat du Mato Grosso, surnommé ‘l’homme politique le plus corrompu du Brésil’, convoite le territoire d’une tribu isolée d’Amazonie dont il nie l’existence.

    Actuellement en prison, il fait l’objet d’une enquête : plus de 100 chefs d’accusation ont été retenus contre lui. Il est notamment mis en examen pour fraude présumée, corruption, association de malfaiteurs ainsi que pour d’autres crimes.

    M. Riva possède une ferme d’élevage sur les terres de la tribu isolée des Kawahiva, l’un des peuples les plus vulnérables de la planète. À plusieurs reprises, il a nié l’existence de cette tribu en dépit des vidéos et des photographies qui prouvent le contraire. Il a également fait pression afin que leur territoire soit ouvert à l’élevage et aux plantations.

    Il est un éminent défenseur de PEC 215, un amendement visant à modifier la Constitution brésilienne. Si celui-ci était adopté, il remettrait en cause les droits durement acquis des Indiens du Brésil.

    À propos du territoire des Kawahiva, José Riva a affirmé : ‘Il n’y a pas d’Indiens là-bas… Les gens font courir la rumeur selon laquelle il y aurait des Indiens isolés dans la région de Rio Pardo… J’ai signalé cette fraude’.


      Des agents gouvernementaux brésiliens ont filmé les Kawahiva lors d'une rencontre fortuite avec eux dans le bassin amazonien en 2011, révélant au monde leur existence.

    © FUNAI

     

      Riva ainsi que d’autres hommes politiques influents s’opposent à la démarcation et à la protection du territoire kawahiva. Ils ont des intérêts privés dans la région et soutiennent l’élevage et les activités minières qui s’avèrent mortels pour la tribu.

    Survival International, exhorte le gouvernement brésilien à démarquer et à protéger le territoire des Kawahiva et à mettre fin au génocide dont ils sont victimes. Tous les peuples indigènes isolés encourent la catastrophe tant que leur territoire n’est pas protégé. Des populations entières sont anéanties par la violence de personnes étrangères à leurs communauté qui volent leurs terres et leurs ressources, et par des maladies telles que la grippe et la rougeole contre lesquelles ils n’ont aucune immunité.

    Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré : ‘Durant des décennies, des éleveurs et des hommes politiques influents et corrompus ont nié l’existence des tribus isolées au nom du profit. Il leur est égal que leur cupidité anéantisse des peuples entiers. Plus le Brésil autorisera des personnes telles que Riva à piller le territoire et les ressources des Kawahiva, plus la tribu aura de risques d’être anéantie à tout jamais. Le Brésil peut aisément empêcher que cela ne se passe ainsi : tout simplement en protégeant leur territoire’.

    Lire en ligne: http://www.survivalfrance.org/actu/11147 Survival International (France)
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  • Des Indiens vénézuéliens attaqués par des mineurs

     
    Un Indien hoti. Au Venezuela, de nombreuses tribus ont souffert des conséquences de l’exploitation minière sur leurs terres.

    © Jacques Jangoux/Survival

    Les Indiens yabarana d’Amazonie vénézuélienne ont été attaqués fin janvier par des mineurs armés alors qu’ils travaillaient de manière illégale sur le territoire de la communauté.

    Benjamin Perez, un leader yabarana à la tête de l’organisation indigène yabarana OIYAPAM, a été sévèrement battu et sa maison a été incendiée. Ayant reçu des menaces de mort, il est désormais en fuite.

    La Coalition des organisations indigènes de l’Etat d’Amazonas (la COIAM) a déclaré dans un communiqué que l’exploitation minière illégale avait ‘contaminé les rivières, par l’utilisation de mercure et d’autres substances toxiques’ et avait eu des effets dévastateurs sur les peuples indigènes, tels que ‘(…) la traite d’êtres humains, la présence de groupes armés engendrant des actes de violence et le trafic de pétrole et de substances illicites’.

    Ces dernières années, l’exploitation illégale de l’or, de diamants et d’autres minéraux – parfois organisée par des groupes armés qui revendiquent appartenir à la guérilla colombienne des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) – s’est propagée dans toute l’Amazonie vénézuélienne, affectant des groupes indiens tels que les Yanomami, les Hoti, les Panare, les Yekuana ou encore les Piaroa. Les mineurs les menacent constamment et contaminent les cours d’eau et le poisson dont ils dépendent pour leur survie.

    40 organisations vénézuéliennes ont publié une déclaration pour soutenir les communautés indigènes affectées. Elles appellent le gouvernement vénézuélien à mettre en place les mesures nécessaires pour mettre fin aux invasions illégales des territoires indigènes par des mineurs et des exploitants forestiers. Elles exhortent également l’Assemblée Nationale du pays à adopter une loi qui permettra d’accélérer la reconnaissance des territoires indigènes au Venezuela.

    Lire en ligne: http://www.survivalfrance.org/actu/11138 

       Survival International refuse toute subvention gouvernementale afin de ne pas être réduite au silence par ceux qui violent les droits des peuples indigènes. C'est pourquoi nous dépendons de vous pour financer nos actions urgentes. Le prélèvement régulier nous permet de planifier en toute sécurité nos campagnes pour aider les peuples indigènes à défendre leurs vies, protéger leurs terres et déterminer leur propre avenir.

       N'oubliez pas d'ajouter info@survivalfrance.org à vos contacts pour recevoir nos mail

    Survival International (France)
    18 rue Ernest et Henri Rousselle
    75013 Paris         France


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  • Les Doukha sont des chasseurs et non des braconniers, pourtant ils sont poursuivis en justice quand ils chassent sur leur territoire ancestral.

     

      Mongolie : des éleveurs de rennes interdits de chasse au nom de la conservation© Selcen Kucukustel/Magma magazine

    Dans le nord de la Mongolie les Doukha, des éleveurs de rennes nomades, peinent à nourrir leurs familles depuis que la chasse a été interdite au nom de la conservation de la nature. Leur territoire a été transformé en zone protégée en 2013 et s’ils sont pris en train de chasser on leur inflige des amendes qu’ils n’ont pas les moyens de payer ou bien ils risquent une longue peine de prison. Ils sont également soumis à des restrictions sur leurs espaces migratoires et doivent à présent demander une autorisation pour se rendre dans des campements éloignés.

       Les Doukha, aussi connus sous le nom de Tsaatan, sont environ 500. Si nombre d’entre eux ont été sédentarisés, environ 200 sont toujours des chasseurs-cueilleurs nomades. Ils migrent avec leurs rennes et vivent dans la taïga, sous des tentes qu’ils appellent alaci. Ils utilisent le renne pour se déplacer et pour le lait, ne tuant leurs animaux que lorsqu’ils vieillissent ou en période de disette. La chasse d’animaux sauvages tels que le cerf, le sanglier et l’élan et la cueillette de pommes de terre sauvages et de baies constituent la base de leur alimentation.

    Les Doukha chassent de manière raisonnée depuis des générations, respectant de strictes règles de chasse qui imposent le nombre d’animaux qu’ils peuvent tuer et quand et où ils peuvent chasser. Ces règles empêchent la surchasse, les encourageant à ne prélever que ce dont ils ont besoin. La chasse ne représente pas seulement une source de nourriture mais fait partie intégrante de leur mode de vie.

      Mongolie : des éleveurs de rennes interdits de chasse au nom de la conservation
       Les Doukha se déplacent à dos de rennes dont ils boivent le lait. Ils dépendent de la chasse et de la cueillette pour se nourrir.

       © Selcen Kucukustel/Magma magazine

       Les Doukha pratiquent des rites chamaniques afin d’exprimer leur reconnaissance et demander pardon à l’esprit de l’animal après une chasse fructueuse. Un aîné doukha explique : ‘Nous disons : ‘Terre-Mère nous te remercions infiniment de nous avoir offert ces animaux. Je souhaite que tous ces animaux te reviennent encore plus nombreux!’ Nous faisons aussi offrande d’un morceau de cette viande au feu, à la nature et aux esprits, avant de la manger’.

       Les Doukha ont du mal à comprendre pourquoi des étrangers leur imposent ces restrictions au nom de la conservation, alors qu’ils font déjà attention à la manière dont ils chassent et protègent leurs terres. Dans le monde entier, de nombreuses preuves démontrent que les peuples indigènes prennent, mieux que quiconque, soin de leur environnement. Ils sont les gardiens du monde naturel.

       Un aîné doukha affirme : ‘C’est chez nous ici. Nous vivons ici depuis des générations. Nous prenons soin de nos terres et les protégeons. Comment des étrangers peuvent-ils venir ici et nous dire de les protéger en nous imposant des amendes et des règlementations, alors que c’est ce que nous faisons depuis des siècles?’

    Lire en ligne: http://www.survivalfrance.org/actu/11075


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    Un festival à ne pas manquer

     

        De Paris à la Turballe (44), le Festival Ciné Alter'Natif est le premier festival de films et documentaires entièrement réalisés et/ou tournés par des Amérindiens. Cinquante films, une soirée spéciale climat et de nombreux invités sont au programme. Survival sera présent samedi 3 octobre à partir de 20 heures lors d'une soirée festive et solidaire au cinéma la Clef à Paris.

      Depuis une trentaine d'années, les Amérindiens de tout le continent américain se réapproprient leur image en réalisant et en produisant leurs propres films. Ils peuvent enfin parler en leur nom et montrer à quel point leur expression artistique est originale et spécifique. Faute de distributeurs, très peu de films autochtones sont visibles en France. Or les membres de l'association De La Plume à l’Écran sont convaincus qu'une plus large diffusion des productions artistiques amérindiennes contribuerait à une meilleure compréhension des cultures amérindiennes contemporaines.

       Depuis 2009, le Festival Ciné Alter'Natif (FCAN), événement unique en Europe, est entièrement dédié à la diffusion de films réalisés/produits par des Amérindiens. Le but est de sensibiliser le public à la richesse des créations cinématographiques et audiovisuelles amérindiennes.

       En présence d'invités amérindiens, l'équipe entièrement bénévole du Festival Ciné Alter'Natif offre une tribune à cet autre cinéma et permet d'en faire découvrir l’extrême variété (courts et longs-métrages, fictions ou documentaires) ainsi que toute la richesse artistique et narrative, drôle et percutante. Au cours des années, nous avons su développer des contacts solides avec de nombreuses sociétés de productions amérindiennes et nous assistons régulièrement à divers festivals internationaux.

       C'est grâce à cet important travail de repérage et de veille constante que nous pouvons, cette année, vous offrir un florilège des récentes créations amérindiennes et ainsi vous faire partager notre passion pour le cinéma autochtone. Plus que jamais dans l'histoire du Festival Ciné Alter'Natif, cette 6e édition vous réserve de véritables pépites artistiques.

       A quelques rares exceptions près, les 50 films programmés cette année sont inédits en France et ils ont été en grande partie soustitrésen français pour l'occasion !

      // LA PROGRAMMATION EN UN CLIN D’ŒIL

      // Vendredi 2 octobre :

      – 9h30 : Séance Scolaire, sur inscription

      – 18h00 : Échos de la Terre, Spécial Climat

      – 20h30 : Double-Esprits

      Samedi 3 octobre :

      – 16h00 : Dessine-moi une histoire, Spécial Cinéma d’Animation

      – 18h00 : Femmes !

      – 20h00 : Soirée Festive et Solidaire

      – 21h00 : Corps et Graphie

      Dimanche 4 octobre :

      – 16h00 : Parcours de Vie

      – 18h30 : (anti)-héros de nos imaginaires

      Tarifs : Plein Tarif : 6,50€   Tarif Réduit : 5€

      Pass 7 séances : 35€   Séances scolaires : 2,50€

      Tarifs Carte UGC et Gaumont Non acceptées


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  • Une victoire pour les Mashco-Piro - grâce à vous!

    Les autorités péruviennes nous ont enfin écouté et ont répondu à notre appel urgent. Nous leur avions demandé d’empêcher que des missionnaires et des touristes n’entrent en contact avec la tribu isolée des Mashco-Piro en Amazonie.

    Nous leur avions envoyé une vidéo dans laquelle on pouvait voir des missionnaires approcher des membres de la tribu et leur distribuer des vêtements et de la nourriture, sans tenir compte du fait que ces Indiens isolés n'ont aucune immunité face aux maladies introduites par les étrangers. Un missionnaire (voir photo ci-dessus) a mis en danger la vie d’un enfant en prenant un ‘selfie’ avec lui.

    La situation avait atteint un point de non-retour. Grâce à la pression exercée par les milliers de courriels que vous avez envoyés, le gouvernement a finalement ouvert une enquête et mis en place un poste de surveillance permanent pour empêcher que des étrangers n’entrent en contact avec la tribu.

    Depuis les années 1990, nous faisons tout notre possible pour protéger le territoire des Mashco-Piro. La pression internationale que nous avions alors exercée avait conduit le géant pétrolier américain Mobil à se retirer du territoire de la tribu. Lutter contre les dangers que représente le contact constitue un nouveau challenge pour notre campagne.

    Cette victoire est la deuxième récemment remportée par les Indiens péruviens. Au début du mois, les Indiens Ashéninka ont obtenu un titre de propriété sur leurs terres ancestrales, un an exactement après le meurtre de quatre de leurs leaders.

    Merci de continuer à réagir à nos actions urgentes. Vos mails, vos lettres et vos dons permettent de changer les choses! Ce n’est que grâce à votre soutien que nous pourrons arrêter l’anéantissement des peuples indigènes.


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  •    Valdelice Veron, porte-parole des Guarani-Kaiowá : "Pour chaque plein d’éthanol, il y a du sang Guarani qui coule"

      Les peuples autochtones ne veulent pas être les oubliés de la conférence climatique de Paris (COP 21). Invitée au Sommet des consciences, qui s’est tenu le 21 juillet dans la capitale française, Valdelice Veron, 37 ans, est la porte-parole emblématique du peuple Guarani-Kaiowá, de l’État du Mato Grosso do Sul, au Brésil. Menacée de mort, elle a quitté sa terre natale pour la première fois de sa vie afin de lancer un appel au secours. Elle dénonce l’écocide en cours au nom de la production d’éthanol, pétrole vert du Brésil, qui en est le premier exportateur mondial. En dix ans, 300 indigènes ont été tués en raison des conflits autour des terres. Témoignage:

       Valdelice Veron avec un autre représentant de la communauté Guarani de passage à Paris le 22 juillet 2015.    Gert Peter Bruch / Planète Amazone 

      Novethic:: Quel message êtes-vous venue porter ?

    Valdelice Veron : Je suis d’abord venue porter un message de paix pour le respect de la nature. Mais je suis aussi venue appeler au secours, car mon peuple est en train d’être massacré. En dix ans, 300 chefs Guarani ont été tués [parmi lesquels son père, assassiné en 2003, NDLR].

    Les grands propriétaires terriens - les ruralistas - producteurs d’éthanol et de soja, envoient des milices privées pour nous attaquer sur nos terres indigènes. Nous subissons régulièrement des assassinats, des viols, des kidnappings. Ils nous torturent, nous humilient, pillent nos forêts, brûlent nos maisons, empoisonnent nos fleuves. Nos enfants meurent de malnutrition.

    Aujourd’hui, les 45 000 Guarani-Kaiowá du Mato Grosso do Sul vivent comme des réfugiés, dans des camps au bord de la route ou dans des réserves. Nous sommes considérés comme des étrangers sur nos propres terres ! Et tout cela avec la connivence du gouvernement.

    Novethic : La Constitution brésilienne reconnaît depuis 1988 les droits des peuples autochtones, et a ordonné la démarcation des territoires indigènes dans une période de cinq ans. Où en est ce travail d’identification ?

    Valdelice Veron : Nous revendiquons au total 39 territoires. 22 d’entre eux ont passé les deux premières étapes sur trois. La première est l’identification anthropologique des territoires, pendant laquelle nous devons prouver qu’ils nous appartiennent.

    La deuxième phase est l’homologation par le tribunal suprême fédéral, qui publie un décret officiel. Et la troisième est la validation par le président de la République. Et c’est là que ça bloque. Les documents sont sur le bureau de Dilma Rousseff mais n’ont toujours pas été signés. Cette attente est en train de nous tuer !

    Au Brésil, les élus sont souvent des agriculteurs [Katia Abreu, actuelle ministre de l'agriculture, est l'ex-présidente de la confédération nationale de l'agriculture. Une organisation qui défend avec ferveur l’agrobusiness, NDLR]. Ils sont très puissants. Actuellement, ils essayent de faire voter des amendements à la Constitution pour réduire nos droits et accaparer nos terres. Nous sommes las de cette situation. Las de voir qu’une canne à sucre vaut plus que la vie d’un Guarani.

    Novethic : Comment pouvez-vous peser sur les négociations climatiques qui se tiendront à la fin de l’année à Paris ?

    Valdelice Veron : Je suis heureuse de voir qu’il y tant de personnes préoccupées par le climat et la protection de l’environnement mais peu parlent des indigènes. Or, on ne peut pas s’intéresser à la nature sans évoquer les indigènes. Nous vivons dans et avec la nature, nous sommes les gardiens de la forêt.

    Pour le peuple Guarani-Kaiowá, la terre est l’essence de la vie. Les peuples autochtones symbolisent un mode de développement soutenable et durable, contrairement à la folle croissance dans laquelle s’est lancé le Brésil.

    Pendant la COP 21, une Alliance des gardiens de la mère nature sera lancée officiellement. Elle va au-delà des peuples autochtones, puisqu’elle réunira les gardiens de la forêt du monde entier. L’Alliance se battra afin qu’il y ait des lois internationales réellement contraignantes, pour faire respecter les droits des peuples autochtones affectés.

    Nous devons faire savoir ce que nous vivons pour que ce génocide cesse, car sinon les Guarani-Kaiowá n’existeront plus que sur photos. Il faut que le monde entier sache que pour chaque plein d’éthanol, il y a du sang Guarani qui coule.

       Propos  recueillis par Concepcion Alvarez
    © 2015 Novethic - Tous droits réservés


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  • ALERTE ROUGE : le peuple Guarani-Kaiowá à nouveau victime de terrorisme génocidaire

    ALERTE ROUGE : le peuple Guarani-Kaiowá à nouveau victime de terrorisme génocidaire

    Peuple Guarani-Kaiowa, Brésil - un village de la communauté Tekohá Kurusu Ambá a été saccagé et incendié le 24 juin 2015, plusieurs enfants ayant péri dans les flammes.

    C'est avec effroi que nous publions le dernier communiqué de l'assemblée Aty Guasu du peuple Guarani-Kaiowá, soumis à la barbarie régulière des dirigeants des exploitations liées à l'agro-industrie, dans l'Etat du Mato Grosso du Sud, au Brésil. Malgré diverses alertes internationales lancées au cours des dernières années, cette barbarie ne connaît toujours aucune limite. Elle vient de franchir un nouveau cap, qui motive aujourd'hui le lancement d'une alerte rouge.

    La représentante indigène Valdelice Veron, qui doit se déplacer pour la première fois en France prochainement et dont la tête est mise à prix par des propriétaires de champs de canne à sucre, nous a décrit au téléphone une situation apocalyptique.

    Tout a commencé le 22 juin par une simple partie de chasse initiée par une communauté Guarani-Kaiowá afin de pouvoir nourrir les membres du "village" (désormais un campement de fortune digne des pires camps de réfugiés du globe). Cette communauté, hommes, femmes et enfants, s'est réinstallée depuis peu sur sa terre traditionnelle, accaparée par la fazenda (ferme) Madama. Les indigènes sont tombés dans un piège et la partie de chasse s'est changée en film d'horreur : le village a été brûlé, au moins un enfant serait mort carbonisé et plusieurs autres manquent à l'appel. Le peuple Guarani-Kaiowá a décidé après une assemblée extraordinaire de riposter si les enfants ou leurs corps ne leur sont pas rendus immédiatement. Face aux fermiers armés et à leurs hommes de mains ils risquent de se faire massacrer. Valdelice Veron nous a appris que la police fédérale, complices des fermiers, avait bloqué la route principale pour que les Guarani-Kaiowá ne puissent aller chercher du renfort, allant jusqu'à se lancer dans une bataille rangée avec le force nationale venue à la rescousse des Guarani-Kaiowá

    Au regard de cette situation critique, qui aggrave la crise humanitaire permanente endurée par le peuple Guarani-Kaiowá, nous appelons chacun de vous, par devoir d'humanité, à lire et à diffuser le communiqué de l'assemblée extraordinaire Aty Guasu du peuple Guarani-Kaiowá. Il s'agit d'un état d'urgence absolue. Merci pour votre soutien.

    - Planète Amazone -

    Avis de deuil de l'assemblée Aty Guasu du peuple Guarani Kaiowá

    "C’est avec une profonde tristesse et des regrets que nous informons, une fois de plus, les sociétés nationales et internationales des meurtres de trois enfants Guarani-Kaiowá par des grands propriétaires fonciers. Dans le Mato Grosso do Sul, un nouveau-né et trois enfants ont été brûlés et leurs cadavres cachés par ces propriétaires fonciers. Nous, Guarani et Kaiowá, nous les pleurons et sommes en deuil. Le 24 Juin 2015, les propriétaires fonciers ont mis le feu à un bébé et à trois enfants indiens. Ils ont déjà assassiné des dizaines d’indiens Guarani et Kaiowá. Depuis 2000, les propriétaires fonciers assassinent et cachent les cadavres des indigènes.

    Le 5 Décembre 2007, une femme pieuse de 70 ans, Xurite Lopes, grand-mère de la petite qui a été brûlée, fut assassinée à bout portant au Tekoha Kurusu Amba par les propriétaires fonciers de la fazenda Madama. Ces mêmes propriétaires qui avaient déjà, en 2007, assassiné la grand-mère s’en prennent cette fois-ci, en juin 2015, aux petites-filles de Xurite Lopes. Les tueurs ne sont jamais jugés par les tribunaux au Brésil.

    Il faut que la société comprenne que ces trente dernières années, il est devenu banal que les propriétaires fonciers se réunissent avec des hommes politiques, des policiers locaux et des tueurs à gage avant d’attaquer et d’assassiner des indigènes. Ils planifient ensemble le massacre et les attaques génocidaires. Ils agissent tous ensemble : les tueurs, les propriétaires fonciers, des hommes politiques, certains agents de la police de l’Etat [du Mato Grosso do Sul] et des journalistes à la solde des propriétaires. Ainsi, tout est organisé pour perpétrer des attaques terroristes contre les Indiens.

    Puisque ces groupes organisés d'extermination des peuples indigènes n'ont jamais été puni par la justice brésilienne, puisqu’ils se considèrent exempts de châtiment par la justice au Brésil, ils se sont permis, le 24 Juin, de filmer et de montrer publiquement les agissements dans les médias et à la Télévision Globo locale à la solde des propriétaires. Voir ici: http://g1.globo.com/.../indigenas-e-fazendeiros-entr.../4277193/. Ils ont montré comment ces propriétaires assassins ont agi et agissent pour attaquer et tuer des indiens Guarani et Kaiowá.

    Les propriétaires fonciers et leurs tueurs utilisent des tactiques militaires de l’armée. Ils montrent dans les médias comment un groupe de policiers reste immobile pendant que les tueurs attaquent les indiens et brûlent des enfants vivants devant la caméra des journalistes de la TV Globo qui continuent à filmer. On pourrait croire qu’il s’agit d’un film fictif de farwest, mais tout ceci est bien réel : ils étaient en train d’attaquer, de massacrer des d’enfants, des femmes et des personnes âgées Guarani et Kaiowa. Ces propriétaires fonciers et leurs tueurs violents ont toujours agi ainsi, ils continuent à agir ainsi. Aujourd'hui, les propriétaires fonciers eux-mêmes montrent à toute la société comment ils attaquaient, et comment ils attaquent encore les indigènes du Mato Grosso do Sul. Une partie des actions de ces propriétaires fonciers, de leurs attaques terroristes, a été filmée et montrée à la TV GLOBO MS, où l’on voit les actions et les tactiques pour attaquer les indiens.

    Depuis 2000, ces propriétaires attaquent toujours de la même manière qu’hier, 24/06/2014. Ils viennent en camionnettes et écrasent les indiens. Lourdement armés, ils tirent sur les Indiens, brûlent tout et assassinent sans pitié. C’est dans cette situation que résistent et survivent dans le Mato Grosso do Sul les indiens Guarani, Kaiowá et Terena. C’est que la justice du Brésil et le gouvernement fédéral ne punissent pas, n’enquêtent pas contre ces groupes de terroristes et de criminels, qui agissent toujours avec des actions génocidaires et violentes contre les vies des indiens dans le Mato Grosso do Sul.

    De même, le 29 Octobre 2009, au Tekoha Ypo’i, 60 enfants, 20 personnes âgées, 40 adultes ont été blessés par balles et massacrés par les propriétaires fonciers. Les deux enseignants, Genivaldo Vera et Rolindo Vera ont été tués et leurs cadavres cachés par les propriétaires. De façon similaire, avec les mêmes techniques, le cacique Nisio Gomes fut assassiné, le 18 Novembre 2011, par les mêmes propriétaires et son cadavre caché. Hier, 24/06/2015, les propriétaires et leurs tueurs à gage jamais condamnés par la justice brésilienne, ont filmé leurs actions criminelles et les ont exposées dans les médias. Alors même que le journaliste de la GLOBO filmait, protégé par des policiers de l’Etat [du Mato Grosso do Sul] des enfants indigènes étaient en train d’être brûlés par les propriétaires. Aussi, ces mêmes propriétaires et leurs groupes ont tué les Guarani-Kaiowá Samuel Martins, Marco Veron, Dorival Benites, Dorvalino Rocha, Rolindo Vera, Genivaldo Vera, Xurite Lopes, Nisio Gome ... trois enfants suivent désormais cette liste.

    Aty Guasu demande avec insistance une vraie justice. Aty Guasu continue sa lutte contre le génocide financé par les propriétaires et les politiciens anti-indigènes.

    Nous avons joint quelques photos pour que chacun puisse voir, revoir et comprendre les actions des propriétaires fonciers contre les peuples indigènes dans le Mato Grosso do Sul.

    Tekoha Guasu Guarani et Kaiowá

    Le 24 Juin 2015

    Les grands chefs du peuple Guarani et Kaiowa.

    xurite lopes - rezadeira morta

    Rezadeira Xurite Lopes, 73 ans, morte près de la fazenda Kurussu Amba - photo CEAI/OABMS

    criancas demarcacao guarani kaiowa

    Date de l'article : 26/06/2015


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    La colère des paysans africains dépossédés de leurs terres
     
    URL raccourcie: http://farmlandgrab.org/25031
    Publié dans: Bolloré | Burkina Faso | CCFD-Terre solidaire | Côte d'Ivoire
      
     
     


    Terres irriguées à Tombouctou sur le fleuve Niger, au Mali. (Photo AFP)

    Géopolis | 11 juin 2015

    Par Martin Mateso

    Dépossédés de leurs terres par des étrangers, des paysans africains s'en prennent aux intérêts du groupe français Bolloré en Afrique de l'Ouest. Dans certains pays, comme au Burkina Faso, les petits agriculteurs pourraient ne plus pouvoir s’alimenter dans moins d'une décennie. C’est ce qu’explique à Géopolis, Maureen Jorand du Comité contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire).

    Le CCFD dénonce un phénomène qui aurait pris des proportions inédites sur le continent africain? On parle de plusieurs millions d’hectares confisqués aux paysans.

    Il est très difficile d’estimer précisément l’ampleur du phénomène pour plusieurs raisons : les contrats et les transactions foncières sont rarement publics. Des organisations ont commencé à faire un recensement du phénomène sur le terrain, pays par pays. C’est le cas de la Copagen (une coalition d'organisations paysannes et de la société civile présente dans neuf pays africains). Elle a mené une étude de plusieurs années sur les accaparements dans neuf pays : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Les conclusions sont alarmantes.

    Alors qu’on estimait le phénomène à un million d’hectares sur cette zone au cours des dix dernières années, l’étude montre que ce sont 2.313.400 d'hectares de terres qui ont été accaparés. A ce rythme, comme l’a rappelé le syndicat paysan La Via Campesina, dans moins d’une décennie, le Burkina Faso par exemple n’aurait plus de terres pour les petits paysans. Alors comment nourrir sa population ?

    Cette spéculation foncière met clairement en péril la sécurité alimentaire de ces pays. En effet, ces terres sont cédées aux grands investisseurs privés au détriment des petits paysans. Or, ces derniers fournissent 60 à 70% de l’alimentation dans ces pays. Leur enlever les moyens de produire, c’est mettre en danger l’accès à l’alimentation de l’ensemble de la population.

    Par ailleurs, on observe que les grands investissements dans l’agriculture en Afrique se font beaucoup dans les cultures de rente, c’est-à-dire les cultures d’exportation comme le café, le cacao, le coton, l’hévéa… Ces productions ne répondent pas à l’enjeu de nourrir les populations locales.

    Les paysans ont-t-ils la possibilité de négocier avec les sociétés agro-industrielles, les Etats tiers et les fonds d’investissement qui font main basse sur leurs terres?

    Il y a plusieurs problèmes à souligner. Tout d’abord, les populations n’ont parfois pas connaissance de la mise à disposition de larges surfaces de terres aux investisseurs privés. Ils découvrent cet accaparement une fois les machines arrivées sur leurs terres. Elles ne sont jamais réellement consultées, c’est-à-dire associées à la définition des besoins et des projets destinés à y répondre. Car rien n’oblige aujourd’hui les investisseurs à le faire.

    Les paysans tentent de négocier avec les entreprises mais cela a lieu en général une fois les impacts négatifs avérés. Et il faut s’interroger sur le rapport de force déséquilibré entre une multinationale et une organisation paysanne regroupant quelques dizaines de producteurs.

    Cet enjeu est central dans les nouvelles formes d’accaparements de terres que nous observons. Car les entreprises l’ont bien compris : de tels cas nuisent à leur image et leur réputation. Elles ne souhaitent donc plus acquérir directement le foncier. Elles privilégient la signature de contrats avec des paysans qui produisent et revendent à l’entreprise, qui leur fournit semences, intrants (engrais, pesticides) et conseils techniques.

    C’est le modèle choisi aujourd'hui pour investir dans l'agriculture, comme l’illustrent les projets de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition. Une initiative lancée par le G8 en 2012 pour lutter contre la faim et la pauvreté en Afrique.

    Nous l'avons observé sur le terrain, et notamment en Côte d’Ivoire, cela se traduit par des accaparements de terres indirects. La contractualisation peut rapidement entraîner un endettement massif des paysans lorsque ceux-ci perdent leurs récoltes à cause d’un évènement climatique imprévu comme une inondation. Obligés de payer les services fournis par l'entreprise, les paysans se retrouvent acculés à céder une partie de leurs terres.

    Peut-on dire que les pouvoirs publics dans ces différents pays sont complices?

    Il est sûr que les pouvoirs publics dans ces pays ont une responsabilité dans ce phénomène, soit parce qu’ils cèdent eux-mêmes des terres ou qu’ils en facilitent l’accès à certains acteurs dans un contexte législatif faible. Mais cela va au-delà des gouvernements africains. Les gouvernements américains, anglais, français et d'autres sont également responsables de cette situation. Car ils soutiennent aujourd’hui ces entreprises sans s'assurer que l’investissement ne se traduise pas par un accaparement de terre.

    Par exemple, pendant trois ans (2012-2014), l’Agence française de développement (AFD) avait pris des actions dans la Socapalm, une des entreprises pointées du doigt dans la mobilisation actuelle contre le groupe Bolloré et dont les impacts négatifs et en particulier les accaparements de terres, avaient été documentés depuis 2011. Les Etats du Nord, comme la France, qui financent l’activité de ces investisseurs en Afrique doivent donc également prendre leur part de responsabilité.

    Quelles solutions préconise le CCFD pour arrêter les dégâts et préserver les droits des populations paysannes?

    Si l’on souhaite mettre fin à tous les accaparements actuels, et prévenir les futurs, alors les Etats doivent mettre en place des législations foncières qui permettent de sécuriser l’accès au foncier des populations locales et un encadrement des investissements privés prenant en compte les impacts sur la terre, les ressources naturelles et le droit à l’alimentation.

    Dans tous les cas, plutôt que de se reposer sur des multinationales sans capacité de suivre l’impact au niveau local, les Etats devraient réorienter leurs financements vers les premiers investisseurs dans l’agriculture et pour la sécurité alimentaire: les petits paysans.


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