• Les peuples autochtones de plus en plus en danger

     

    Les populations autochtones sont l’objet de nombreuses menaces sur le terrain, même si leur action sur la préservation des zones protégées est saluée. Des représentants étaient à Marseille pour le sommet de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

    Ils sont considérés comme les gardiens de la nature. Vendredi, avant le discours du président Macron au congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), s’est tenu virtuellement à Marseille le Sommet mondial des peuples autochtones et de la nature, derniers membres intégrés de l’UICN. «En leur donnant cette occasion cruciale d’être entendus sur la scène internationale, nous avons rendu notre union plus forte, plus inclusive et plus démocratique», avait déclaré Inger Andersen, ex-directrice générale de l’UICN et actuelle directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), lors du précédent sommet UICN de 2016 à Hawaï. Une intégration qui leur confère le droit de créer des motions et de les voter.

     

    C'est lors de ce rendez-vous 2021, animé par de nombreux intervenants du monde entier (figures des peuples autochtones, scientifiques, dirigeants dont Bérangère Abba, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée de la Biodiversité...) qu'un agenda mondial pour les peuples autochtones, s'articulant autour de <a href="https://portals.iucn.org/union/sites/union/files/doc/global_indigenous_agenda_english.pdf" target="_blank">dix propositions et cinq thématiques</a>, a vu le jour. <i>«Nos objectifs mondiaux de protection de la terre et de conservation de la biodiversité ne peuvent réussir sans le leadership, le soutien et le partenariat des peuples autochtones»</i>, a martelé le Dr Bruno Oberle, directeur général de l'UICN. Sommet au cours duquel a également été lancé un appel à la reconnaissance et au respect des droits et de la gouvernance des peuples autochtones sur leurs terres et leurs ressources. Un lien indéfectible. <i>«Les peuples autochtones sont en rapport avec un territoire, car ils y tirent leur subsistance</i>, <i>leurs croyances, </i>explique Irène Bellier, anthropologue et directrice de recherches au CNRS.<i> Il leur est vital.»</i>

    «Ils déforestent nos terres et creusent pour chercher le pétrole et l'or»

    Au cours des millénaires, les peuples autochtones que l'Organisation des Nations unies <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/08/1049461" target="_blank">estime à 370 millions d'individus dans le monde</a> et dont les droits sont déterminés par la seule <a href="https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf">Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples</a> de 2007, ont développé des connaissances et des capacités d'adaptation en matière d'environnement. Cependant, les menaces planent. Les peuples autochtones sont les premières victimes du changement climatique, auquel pourtant ils n'ont pas ou que peu contribué. <i>«Les poissons ont disparu des rivières</i>, lance la Colombienne Fany Kiuru de l'ethnie Huitoto, qui est aussi membre de la Coordination des organisations autochtones du bassin amazonien (Coica). <i>Nous n'avons plus accès à la nourriture du temps de nos grands-mères. Beaucoup de peuples d'Amazonie souffrent de malnutrition.» </i>Par ailleurs, les territoires que ces populations occupent, souvent très riches en minerais, hydrocarbures, bois..., aiguisent l'appétit des industries et des gouvernements qui n'hésitent pas à les chasser afin de mener à bien leurs projets. <i>«Ils déforestent nos terres et creusent pour chercher le pétrole et l'or</i>, rebondit l'Equatorien Juan Carlos, de l'ethnie Shuar, un des peuples amérindiens. <i>L'armée et la police les défendent malgré les lois.» </i>Lois dictées aussi en Colombie par les narcotrafiquants qui saccagent la forêt, explique Fany Kiuru.

    Ces menaces se sont accentuées depuis 2013-2014, estime Irène Bellier. Elles ont aussi été renforcées par la crise du Covid-19. <i>«Les compagnies en ont profité pour continuer à commettre des dommages à l'environnement pendant que les gens étaient confinés</i>, poursuit Juan, aussi membre de Coica.<i> Il y a du mercure dans notre eau...»</i>

    L'orpaillage est également l'une des principales sources d'inquiétude des peuples autochtones de Guyane française. <i>«Il existe énormément de projets de mines industrielles</i>, explique Claudette Labonté du peuple parykweneh, qui est aussi présidente de la fédération Palikur de Guyane. <i>Un projet de méga mine d'or au coeur de la forêt amazonienne a été abandonné </i>[contraire, aux yeux du gouvernement, aux exigences environnementales, ndlr],<i> mais il revient sous une autre forme, Orea Mining.»</i>

    Tout cela sans jamais consulter les peuples autochtones, dénoncent d'une unique voix tous nos interlocuteurs. Que ce soit pour des projets destructeurs comme conservateurs de la nature. A l'image des aires protégées terrestres et marines dont l'objectif mondial est fixé à 30 % à l'horizon 2030. Un modèle d'ailleurs critiqué par David Boyd, de l'ONU, rappellent les organisateurs<a href="https://www.notreterrenotrenature.fr/" target="_blank"> du contre-congrès</a>, qui s'est tenu avant le «congrès officiel» de l'UICN, ayant pour but de <i>«décoloniser la conservation de la nature»</i>. Dans sa voix, <a href="https://survivalinternational.fr/actu/12634" target="_blank">un communiqué précise</a> que <i>«l'expansion rapide des Aires protégées ne doit pas se faire au prix de nouvelles violations des droits humains à l'encontre des peuples autochtones et d'autres populations rurales.»</i> «<i>En Guyane, on a besoin de zone de subsistance de chasse, de pêche et de culture notamment pour le manioc,</i> rappelle Claudette Labonté. <i>Pourquoi nous empêcher d'aller dans ces réserves alors que ça allait parfaitement bien avant que l'Etat se mette à vouloir gérer le territoire ? D'autant que ça permet de garder un oeil sur la forêt et de travailler en partenariat avec l'office français.»</i>

    «On défend l'eau, la terre, les forêts... et on nous met en prison pour ça?!»

    Menaces, conflits, non-consultation... De multiples facteurs qui, d'après Irène Bellier, amènent les peuples autochtones au militantisme. <i>«Des défenseurs des droits humains sont assassinés, 70 % d'entre eux étaient liés aux causes environnementales </i>[comme la figure hondurienne Berta Cáceres, le Péruvien Roberto Carlos Pacheco ou encore le Mexicain Homero Gómez, ndlr]<i>»</i>, souligne-t-elle. L'ONG Global Winess doit d'ailleurs publier le¦13 septembre son rapport annuel qui recense les homicides perpétrés contre des militants de l'environnement.<b> </b>En 2019, 212 militants ont été tués, soit en moyenne quatre par semaine. L'Amérique latine reste la région la plus dangereuse. <i>«On défend l'eau, la terre, les forêts... et on nous met en prison pour ça !</i> lance Juan, dont certains collègues de Coica ont été enfermés. <i>Comment appeler un terroriste un homme ou une femme autochtone alors que nous sommes là pour la nature pendant que des compagnies la détruisent...»</i>

    Seul moyen d'action, le levier juridique. <i>«Il y a une dynamique autochtone latino-américaine. Entre autres, les organisations des peuples autochtones d'Amérique latine peuvent saisir la commission interaméricaine des droits de l'homme et aller jusqu'à la cour interaméricaine des droits de l'homme pour faire respecter leurs droits,</i> explique l'anthropologue Irène Bellier. <i>En France, les comités des droits de l'homme ont été saisis par les Amérindiens de Guyane.»</i>

     


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