Les Pygmées, acteurs des élections au Rwanda
- Pour la première fois, les Pygmées Batwa (moins de 2 % de la population) participent pleinement à ces préparatifs. Jadis, ils étaient indifférents aux élections, car exclus par les autres communautés qui les considéraient comme anormaux à cause de leur mode de vie. Aujourd’hui, certains d’entre eux apprennent la poterie à Kigali, dans une coopérative moderne et aussi à lire et à écrire pour pouvoir voter. Assis dans l’atelier, Joseph est de ceux-là : "Je sais écrire quelques mots en kinyarwanda. J’espère pouvoir lire sur le bulletin de vote". Françoise Mukakarara, volontaire enseignante dans cette coopérative, confie : "Nous espérons que les 20 membres qui apprennent à lire auront acquis des connaissances leur permettant de voter tout seuls". Alphonsine, de la même coopérative, affirme que les Batwa de sa localité (Kacyiru, à Kigali), ont tous leur carte d’électeur et leur carte d’identité, indispensables pour voter.
"Des Rwandais comme les autres"
Dans la province du Sud, les Batwa se sont également préparés soigneusement. Omar, un nouvel électeur, explique : "La plupart d’entre nous sont inscrits sur la liste électorale. Ceux qui n’ont pas encore leur carte de vote ne sont pas nombreux. Et, d’ici peu, ils l’auront". Au sud et au nord du pays, des Batwa présents dans des coopératives ont même été désignés par les partis politiques comme observateurs des élections. Tereraho A., chef du village de Kagina, au Sud du pays, veut que les représentants de sa communauté soient dignes de cette confiance : "Ca nous a fait plaisir de voir que certains d’entre nous ont eu ce privilège. Avant, cela ne se passait pas ainsi".
S’ils ont pu s’impliquer autant dans ces élections, c’est grâce aux efforts de certains d’entre eux qui sont allés à l’école et mobilisent leurs voisins par des réunions régulières. Les autorités locales jouent aussi un rôle important dans la sensibilisation de cette communauté pour l’intégrer aux autres peuples du pays. "Nous avons compris que nous sommes des Rwandais comme les autres. Dans les villages, lors des réunions, on nous invite et on réfléchit avec les autres sur le développement de la localité", se réjouit Amran R, habitant du district de Kamonyi au Sud. Pour lui, le fait que le chef de village soit un des leurs, les a plus motivés à s’acquitter de leurs devoirs de citoyen. "Il nous informe sur tout ce qui se passe. Avant, personne ne s’occupait de nous", poursuit-il.
Problèmes non résolus
Mafubo Marie-Louise, secrétaire exécutive de la cellule de Kagina, souligne qu’obtenir la participation active des Batwa est un processus de longue haleine. "Certains sont actuellement des conciliateurs (juges communautaires, Ndlr), d’autres des autorités locales ". Elle ajoute que certains d’entre eux ont reçu une vache destinée à aider les pauvres à pratiquer l’élevage. D’autres ont eu un logement grâce aux différents programmes de lutte contre la pauvreté. Omar confie : "Avant, nous étions montrés du doigt comme si nous étions anormaux. Nous ne bénéficiions de rien de l’État. Cela justifiait notre indifférence à l’égard de la vie politique". Il se félicite que maintenant, leurs enfants aillent à l’école et que certains adultes dirigent des structures locales. Ce qui, il y a cinq ans, n’était encore qu’un rêve.
Toutes les difficultés de cette communauté n’ont cependant pas été résolues d’un coup de baguette magique… Eux qui vivaient auparavant dans la forêt ont encore des problèmes pour accéder à la terre. Par ailleurs, même s’ils commencent à apprendre la maçonnerie ou le petit commerce, ils souhaiteraient moderniser et faire reconnaître leurs métiers traditionnels. "Nous aimerions que le prochain président organise des formations pour que nous puissions mettre nos produits sur le marché international", suggère Omar. Benurugo F. formule une autre requête au prochain chef de l’État : "Nous aimerions qu’il fasse la promotion de l’éducation universitaire de nos enfants. Nous n’avons actuellement pas les moyens de les scolariser jusqu’à l’université". Pour les Batwa rwandais, se marier avec quelqu’un d’une autre ethnie reste par ailleurs impossible. Ils sont donc conscients que leur participation aux élections n’est qu’un premier pas. Mais, un premier pas dans la bonne direction.
- 28 Août 2010 à 11:09 dans
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